Je remercie mon ami Auguste pour cette excellente et belle brochure sur l’histoire sociale des Landes de Gascogne. La bibliographie est disponible dans le pdf téléchargeable ci-dessous. Bien que nous ne partageons pas la même définition du capitalisme, la richesse de ce travail est indispensable pour comprendre l’histoire des Landes et ses destructions écologiques.


Histoire des Landes (par Auguste)


Du système agro-pastoral traditionnel à la monoculture de pins

« Que de choses aimées dont chaque jour emporte un lambeau
ou qui ont déjà disparu et ne sont plus qu’un souvenir !
La lande elle-même, par-dessus tout, où flottait, lointaine, à demi
éteinte, d’autant plus grande dans son silence, la lente complainte du
pâtre ou du bouvier perdus au vague de l’espace, et aussi, tant douce à
ouïr au voisinage des parcs taciturnes, la fraîche cantilène des coupeuses
de bruyère, vibrant dans la torpeur de ses pâles vesprées d’arrière-saison ;
la lande infinie abandonnée sans partage à la vie pastorale, et endormie
-à jamais, semblait-il, mais des temps nouveaux sont venus brutalement
briser le charme- dans son vieux rêve d’immensité et de solitude…
Maintenant la lande n’existe plus.
Au désert magnifique, enchantement des aïeux,
déroulant sous le désert du ciel sa nudité des premiers âges,
à l’étendue plane, sans limites, où l’œil avait le perpétuel éblouissement
du vide, où l’âme, élargie, enivrée, tantôt débordait de joies neuves et
enfantines, tantôt s’abîmait dans d’ineffables et si chères tristesses,
a succédé la forêt, la forêt industrielle !
Avec toutes ses laideurs […],
dont l’étouffant rideau, partout étendu
où régnait tant de sereine et radieuse clarté,
borne implacablement la vue, hébète la pensée,
en abolit tout essor ».
Félix Arnaudin, Chants populaires de la Grande Lande, 1912.

Préambule


En observant les alignements de pins à perte de vue sur des surfaces planes et monotones caractéristiques des paysages des Landes de Gascogne, il est difficile d’imaginer que cette région a été profondément transformée au cours des derniers siècles par l’action conjuguée de l’expansion du capitalisme et de l’aménagement territorial par l’État-Nation français moderne. L’implantation massive de pins résultant de la loi du 19 juin 1857, sous le Second Empire, a engendré de profondes mutations dans la société paysanne landaise et le mode de vie de ses habitants. En un demi-siècle, l’ancien système agro-pastoral a été supplanté par un système sylvicole entièrement tourné vers l’exploitation du bois et de la résine et fondé sur la privatisation des vastes espaces communautaires gérés autrefois par les paysans eux-mêmes. Le texte qui suit restitue l’histoire oubliée de cette société agro-pastorale landaise en la replaçant dans le contexte de l’intégration poussive de l’agriculture française à l’économie capitaliste entre le XVIIIe et le XXe siècle. À l’échelle du territoire de la France, cette transformation ne s’est pas faite sans heurts : le XIXe siècle a été émaillé de divers mouvements de protestation et de résistance menés par les paysans ou par la classe ouvrière naissante. Certains mouvements ont parfois abouti à de véritables insurrections généralisées dont les plus mémorables sont sans aucun doute les révolutions de 1830 et 1848, la révolte des Canuts à Lyon (années 1830), la guerre des Demoiselles en Ariège (1829-1832), l’insurrection paysanne de 1851 dans la Drôme ou bien la Commune de 1871 – qui clôt cette période révolutionnaire ouverte par la Révolution Française[1]1Malgré quelques soubresauts au début du XXe siècle, comme les révoltes des vignerons du Midi en 1907 et de Champagne en 1911.. Du côté des Landes de Gascogne, la recomposition du monde paysan qui a eu lieu lors de l’extension de la forêt de pins et l’essor du capitalisme agricole ont entraîné différents types de résistances qui seront détaillées dans cet article.

Du désert landais aux landes de Gascogne : une longue histoire environnementale humaine


Ce que nous appelons généralement « Landes de Gascogne » désigne une région unie par des liens géologiques, historiques, biologiques, linguistiques (gascon) et culturels n’ayant rien en commun avec l’entité administrative actuelle, à savoir le département des Landes. Les Landes de Gascogne sont délimitées par l’océan atlantique à l’ouest, par la Garonne à l’est, par la Gironde au nord et par l’Adour au sud. Elles sont morcelées en plusieurs « pays » aux limites floues et parfois oubliées de la mémoire collective (Pays de Bach, Pays de Born, Marensin, Grande Lande, etc.).

Le couvert végétal de cette région a subi plusieurs transformations au cours du Quaternaire (ce terme, ainsi que ceux qui renvoient à des périodes géologiques dans la suite de l’article sont définis dans l’encart ci-contre). Ces changements assez drastiques et rapides s’expliquent par les fluctuations climatiques caractéristiques de cette période. Au cours du dernier refroidissement climatique qui s’étale entre 115 000 ans (aussi abrégé 115 ka pour kilo années), et 11,7 ka avant le présent, de vastes étendues sableuses d’épaisseurs variables (la Formation sédimentaire des « Sables des Landes ») se sont déposées et ont formé un véritable désert sableux (ou erg) dénué de végétation, semblable aux déserts actuels, et couvrant la quasi-totalité des Landes de Gascogne. Le maximum d’extension du désert des Landes a été daté entre 25 ka et 15 ka dans un contexte climatique extrêmement aride [Sitzia, 2014].

Les sites archéologiques, considérés comme des indices de fréquentations humaines, sont très rares dans la zone couverte par le désert sableux au cours de cette période alors qu’ils sont fréquents à la même période dans les zones périphériques (Périgord, Pays Basque, piémont pyrénéen). Selon Bertran et al. (2013), l’absence de sites dans le désert landais reflète une réalité archéologique et non un biais de prospection comme cela avait été avancé précédemment[2]2La faible densité de fouilles archéologiques semblait expliquer le peu de sites trouvés. Or, au cours de la dernière décennie, suite à la construction d’autoroutes, de centres commerciaux et … Continue reading. Les auteurs de cette étude en ont conclu que le désert sableux des Landes constituait une zone peu attractive pour les groupes paléolithiques de chasseurs-cueilleurs (nomades à semi-nomades) contemporains, probablement en raison d’une faible présence de biomasse animale et végétale combinée à de faibles ressources en eau.


À partir de la période nommée Tardiglaciaire (qui débute à 14,7 ka et s’étend jusqu’à 11,7 ka), les sables sont colonisés par une forêt boréale composée majoritairement de pins sylvestres qui ont profité de l’amélioration climatique de l’Allerød pour migrer depuis des zones refuges régionales[3]3Une zone refuge est un lieu où diverses espèces végétales et animales ont pu survivre durant les périodes glaciaires en bénéficiant d’un micro-climat local plus chaud. Les zones côtières, … Continue reading. Des groupes de chasseurs-cueilleurs se réapproprient l’espace landais au cours de cette période. La détérioration climatique du Dryas récent (voir encart) voit une nouvelle extension du désert sableux avec la formation de champs de dunes résultants de l’action conjuguée d’un refroidissement global des températures et de la multiplication de feux de forêts détruisant en partie la pinède qui s’était développée lors de l’amélioration climatique de l’Allerød. Durant le Dryas récent, le territoire des Landes de Gascogne est à nouveau abandonné par les populations humaines du Paléolithique final.

Au début de l’Holocène (vers 11,7 ka avant le présent), les pins sont progressivement remplacés par des feuillus caducifoliés (chênes et noisetiers), ce qui aboutit à l’implantation d’une chênaie diversifiée riche en arbres (chêne, bouleau, aulne, orme, tilleul, frêne, hêtre, pin, etc.) et en arbustes héliophiles[4]4Héliophiles : espèces végétales qui apprécient l’exposition au soleil.(fougère aigle, bruyère callune, etc.). Cette forêt est fréquentée par les derniers groupes de chasseurs-cueilleurs du Mésolithique (autour de 6500-6000 ans av. J.-C.) qui s’installent préférentiellement dans des campements le long des cours d’eau landais (en particulier la Leyre) tandis que les abords des lagunes présentes à l’arrière du cordon dunaire côtier sont occupés de manière intermittente et ont probablement constitué des haltes de chasse [Merlet, 2011]. Après cette première phase de fréquentation du territoire, on commence à apercevoir les premiers indices de modifications importantes de la chênaie landaise, caractérisés par des déboisements occasionnels et des pratiques agro-pastorales probablement épisodiques ou très mobiles à partir du Néolithique ancien (autour de 6 000 – 5 500 ans av. J.-C.) et au Néolithique moyen (autour de 4 500 – 4 000 ans av. J.-C) [Faure & Galop, 2011]. D’après les mêmes auteurs, l’occupation devient localement pérenne à partir du Néolithique final (3 500 ans av. J.-C.) et se caractérise par une augmentation du déboisement de la chênaie associée à un développement des landes, des cultures de céréales et des activités pastorales. Ces indices plaident en faveur de l’existence d’un système agro-forestier itinérant utilisant des jachères forestières de longues durées. Bien que la forêt landaise soit soumise à une pression anthropique de plus en plus importante depuis le Néolithique final, elle persiste jusqu’au début du Moyen-Âge (vers 600 ans av. J.-C), période à laquelle elle laisse place à des landes dans de nombreux secteurs sous la pression du pâturage.

Le système agro-pastoral landais : une société paysanne non capitaliste


Généralités : la société rurale féodale et d’Ancien Régime française


Au Moyen-Âge, l’espace rural français était articulé autour d’une trilogie dans laquelle l’agriculture (ager), le parcours de bétail (saltus) et la forêt (silva) étaient indissociables et dans lequel l’agriculture devait couvrir les besoins alimentaires locaux (pain). Pour maintenir la fertilité des champs céréaliers, l’on y pratique des périodes jachères durant lesquelles le bétail amende le sol par ses excréments. Les troupeaux (cochons, moutons, vaches) parcouraient le saltus et pâturaient aussi dans la forêt où ils se nourrissaient de glands, de faînes, de châtaignes, des feuillages des arbres ainsi que des herbes et des buissons des parcours. La forêt permettait aussi aux paysans de se nourrir : cueillette de champignons ou de fruits sauvages, du miel sauvage, des jeunes pousses consommées comme des légumes, des noix et noisettes pour l’huile, des châtaignes pour la farine, du petit gibier et des poissons, etc. Les paysans bénéficiaient de droits d’usages forestiers plus ou moins étendus, selon les fiefs ou les périodes, qui leurs permettaient de prélever de nombreux produits dans les forêts seigneuriales pour leur usage domestique (et non commercial). Nous pouvons citer en guise d’exemple : le droit d’affouage qui permettait aux paysans de s’approvisionner en bois de chauffage, le droit de marronnage autorisant le prélèvement de perches (pour les outils domestiques ou les instruments agricoles), ainsi que les grumes (troncs débarrassés des branchages) pour les meubles et charpentes ; le droit de panage (ou glandeyage) permettant d’engraisser les porcs dans les forêts de chêne ou de châtaigniers ; et enfin les habitants pouvaient aussi pratiquer l’essartage, c’est-à-dire le défrichement d’un lopin de terrain boisé pour y prélever le bois, cultiver temporairement des céréales avant de laisser repousser la végétation [Larrère & Nougarède, 1993]. Geneviève Michon, dans son livre passionnant intitulé Agriculteurs à l’ombre des forêts du monde sur l’agroforesterie vernaculaire (ou forêt domestique) publié en 2015, nous décrit les relations établies entre les paysans et les arbres[5]5Présents bien évidemment dans le silva et le saltus mais aussi dans l’ager sous la forme d’arbres isolés dans les champs et forêts linéaires (haies) cultivées pour la production … Continue reading [p 45-46, Michon, 2015]. Les éléments boisés présents dans les paysages ruraux constituaient selon elle, ce que l’on appelle la « forêt paysanne » ; ils « structuraient le paysage et l’économie domestique à côté de la culture des céréales ». Elle affirme plus loin qu’il n’existait pas de « ségrégation professionnelle que l’on connaît aujourd’hui entre spécialistes exclusifs de la forêt et de l’agriculture ». Ainsi, on retrouve une articulation fine et vitale entre les bois, les champs et les villages marqués par l’absence de limites ou frontières bien définies. Ces espaces étaient véritablement interdépendants comme l’illustre le mode de vie des ruraux :

« Une grande partie des villageois partageaient leur vie entre village et forêt : de façon quotidienne, comme les bergers avec leurs troupeaux, de façon plus occasionnelle comme pour les charrons, sabotiers ou les charpentiers qui allaient y collecter le matériau indispensable à leur activité, ou de façon plus permanente les « boisilleurs([6]6Les boisilleurs sont des spécialistes du bûcheronnage, de la fabrication du charbon de bois, de la collecte des écorces, sèves ou résines dont le savoir-faire se transmettait héréditairement. … Continue reading » [Michon, 2015]

Au sommet de la hiérarchie de la société d’ordres féodale, se trouvent les seigneurs, figure importante de la noblesse, et disposant eux aussi de divers droits seigneuriaux sur l’usage de leurs terres[7]7Il est important de préciser que les possesseurs de terre ne sont pas les seuls propriétaires terriens : le clergé et les bourgeois en possèdent aussi, de même que les laboureurs (riches … Continue reading (comme le droit de chasse) et sur l’exploitation des bois d’œuvres présents dans la futaie[8]8La futaie correspond à des bois dont les arbres issus de semences doivent atteindre leur pleine croissance afin d’être exploités.. En contrepartie, ils sont obligés de rétrocéder l’accès à leur terre (tenures) et de nombreux droits d’usages aux vilains. Pendant toute la période médiévale et jusqu’à la Révolution française, paysans et seigneurs sont mutuellement dépendants, les premiers étant censés, selon l’historiographie dominante, avoir besoin de protection politique et militaire en échange de redevances annuelles (ex : le cens) payables au seigneur du fief que ce soit en nature ou en monnaie, tandis que les seconds ont une nécessité vitale d’une main d’œuvre abondante pour produire des céréales et s’occuper de leurs fiefs [Michon, 2015]. Il n’y a pas de marché national unifié et il s’agit d’un rapport asymétrique paysans/seigneur où ce dernier s’approprie par son pouvoir une partie de la production agricole des tenures. Cette agriculture paysanne pré-capitaliste se caractérise par une très forte autosubsistance et une vente assez marginale des biens produits sur des marchés locaux non concurrentiels et soumis à leurs propres règles [Grenier, 1996].

En raison de leurs intérêts antagonistes, les conflits incessants opposants les seigneurs (et dans une moindre mesure le Clergé) et les communautés paysannes rurales se multiplient à la fin du Moyen-Âge. Les premiers s’accommodent mal de la fréquentation des forêts par les paysans qui fait fuir le gros gibier ainsi que du pâturage et des prélèvements réguliers de bois de chauffage ou de perche qui entravent le développement de beaux fûts droits et hauts dont la demande explose en raison de l’accroissement du commerce et du développement de la flotte de guerre. Le pouvoir royal partage l’inquiétude des seigneurs sur l’ampleur des défrichements qui est liée à l’augmentation démographique des habitants des campagnes et tente de limiter les droits d’usages des paysans. C’est sans compter la résistance opiniâtre de ces derniers qui n’hésitent pas à braconner, à éviter les gardes forestiers (le premier corps des gardes forestiers a été établi par Philippe le Bel en 1290), à enfreindre la loi et à tenter par la force d’obtenir une extension de leurs droits d’usage et d’en conquérir de nouveaux au cours de multiples révoltes. Les différents dispositifs mis en place par l’Ancien Régime (ex : les ordonnances de Colbert de 1669) sont des échecs face aux résistances paysannes. Au cours de la Révolution française, le rapport de force bascule même en faveur de la paysannerie qui parvient à mener une révolution anti-féodale à son propre profit et ainsi à conserver une majorité des terres dont elle devient propriétaire au détriment de la noblesse et du clergé.

Le système agro-pastoral landais[9]9La plupart des informations développées dans cette partie et la suivante proviennent de ce site très complet sur l’histoire sociale des Landes [https://histoiresocialedeslandes.fr/]


De la Révolution française jusqu’à la moitié du XIXe siècle, l’organisation socio-économique des habitants des Landes de Gascogne a relativement peu changé par rapport à la période médiévale (bien que les seigneurs et le clergé ne soient plus propriétaires terriens) et repose essentielle-ment sur un système agro-pastoral traditionnel. Comme mentionné précédemment, le paysage se compose alors de trois types d’espaces interdépendants : les landes (saltus), la forêt (silva) et le champ (ager). Les paysans ont dû s’adapter à la pauvreté des sols sableux – lointains héritages de la géologie régionale – et à la stagnation des eaux hivernales dans le sol, celle-ci étant liée à l’insuffisance de la pente du plateau landais ainsi qu’à la présence en faible profondeur d’un horizon de sol enrichi en fer (appelé localement « alios » ou bien « garluche » s’il s’indure et évolue sous la forme de grès ferrugineux) et fortement induré ne favorisant pas le drainage. Ce système agro-pastoral repose sur le besoin impératif de procéder à un amendement annuel des sols destinés aux cultures céréalières par du fumier (fumure). Cette précieuse matière organique est obtenue à partir des déjections des brebis et des moutons parcourant la lande, composée alors des terres communales occupant environ les trois quarts du territoire jusqu’au milieu du XIXe siècle (le reste étant occupé à 25% par la forêt et à 5% par des surfaces agricoles). Les troupeaux se nourrissent de plantes poussant de manière spontanée dans ce milieu (herbes basses, lichens, bruyères, ajoncs, fougères, etc.) et sont surveillés par les bergers du haut de leurs célèbres échasses (changuées ou xcanques en gascon). Ce moyen de locomotion est parfaitement adapté à la géographie locale : il permet de voir les troupeaux sur de longues distance par-dessus les taillis, de se déplacer rapidement sur ces grandes étendues tout en évitant les buissons épineux ainsi que les zones humides très fréquentes sur le territoire. Les plantes de la lande, notamment la bruyère, sont également récoltées afin de composer la litière (on parle de soutrage) pour les moutons parqués à l’intérieur de la bergerie (nommé parc ou bordes) disséminées un peu partout dans les landes. À côté des bergeries, se trouve la cabane du berger (oustalet) tandis que chaque pacage est signalé par la présence d’un chêne. Ce milieu assez ingrat ne nourrit qu’une bête par hectare, ce qui explique l’immensité des terres de landes, l’absence de clôtures et leur gestion commune par les habitants. Ainsi, la lande est une ressource collective à la base de l’économie locale. Les bergers sont les gardiens des lieux, ils ont une connaissance poussée de leur milieu, et modifient leurs déplacements en fonction du cycle de la végétation et du rythme des saisons. Chaque année, à la fin de l’hiver ou au printemps, ils pratiquent des incinérations (appelées « burle » en gascon) pour débroussailler et régénérer la végétation grâce aux cendres produites par les incendies.

Malgré la pauvreté des sols, l’agriculture est pratiquée de façon intensive dans des champs de taille modeste compris en moyenne entre 3 et 5 hectares, ce qui est suffisant pour nourrir un foyer d’une dizaine de personnes. Une même parcelle accueille deux cultures successives, constituées d’une céréale de base (principalement le seigle qui est particulièrement bien adapté à la qualité médiocre des sols disponibles, contrairement au blé) semée à l’automne puis d’une céréale secondaire (millet, panis ou maïs) qui vient s’intercaler, au printemps, dans les sillons entre les rangs de seigle. Dans cette zone d’agriculture intensive, il n’y a pas de jachère et la culture est rendue possible grâce à l’apport annuel de fumier. La culture de seigle permet de produire, dans un des nombreux moulins de la région (tenus en général par un meunier), la farine nécessaire à la fabrication du pain qui constitue la base de l’alimentation, L’espace communautaire (airial), grande étendue herbeuse plantée de feuillus (chênes, châtaigniers, divers arbres fruitiers) installé à proximité d’un cours d’eau, correspond à un véritable îlot de boisement dans la lande dénudée. On y retrouve notamment la maison d’habitation (oustalou) et ses multiples dépendances (granges, étables, porcherie, etc.). Les jardins potagers localisés au bord du ruisseau et la basse-cour (dindons, poules, canards, cochons et plus rarement vaches) qui apportent le reste des aliments indispensables au foyer. En complément à cette agriculture vivrière viennent s’ajouter d’autres productions telles que le chanvre pour confectionner des textiles, l’apiculture (miel et cire) ou bien parfois la culture de la vigne. La forêt est exploitée pour le bois et la résine mais permet aussi la cueillette de fruits ou de champignons ainsi que la chasse ou la pêche. L’essentiel, voire la totalité de la production agricole est destinée à la consommation de la famille mais peut parfois être vendue ou entrer dans un système d’échanges locaux.

L’organisation sociale de la société paysanne traditionnelle landaise


La société rurale landaise est divisée en deux grandes classes sociales en fonction de leur détention ou non des moyens de production : les propriétaires et les non-propriétaires. Les premiers recouvrent à la fois des propriétaires non-exploitants (dont certains ont quitté la vie rurale et habitent dans des bourgs ou en ville), les artisans, des grands propriétaires ou des bourgeois. La seconde classe se réparti entre les métayers attachés à une parcelle par un contrat de métayage les liant à un propriétaire foncier (ce dernier recevant en échange de la mise à disposition de sa parcelle une partie de la récolte), les travailleurs agricoles journaliers payés à la tâche et les domestiques. Cette division binaire relative à la possession de la terre ne reflète pas bien les inégalités socio-économiques pouvant exister dans cette société agro-pastorale. En effet, les propriétaires exploitants possèdent de petites parcelles (dont le rendement ne suffit parfois pas à nourrir une famille souvent nombreuse, les contraignant à vendre leur force de travail pour le compte d’autres afin d’assurer leur subsistance). Ils mènent souvent une vie modeste proche de celle des métayers. D’ailleurs, à cette époque, les propriétaires et les métayers partagent le même milieu de vie, l’airial, et un quotidien semblable. L’avantage du propriétaire sur le métayer se reflète uniquement par une habitation moins vétuste ainsi que par sa disposition spatiale au sein de l’airial [Lafargue, 2001].


Ainsi, le sommet de la hiérarchie sociale est composé des propriétaires pouvant se détacher de l’exploitation directe de la terre et vivant dans les bourgs ou les villes des alentours. Ce sont des notables ruraux exerçant leur domination personnelle dans de nombreux domaines : économique, politique ou bien religieux. Néanmoins, ils sont extrêmement minoritaires. Une enquête sur la vie économique et sociale réalisée en 1852[10]10Voir le résumé de cette enquête ayant eu lieu dans divers cantons sous la forme d’un graphique : https://histoiresocialedeslandes.fr/p1_invention_win03.asp , dans le département des Landes a montré que les catégories comprenant le plus grand nombre de personnes sont les propriétaires exploitants et celle des métayers. De plus, dans de nombreux cantons, ces deux catégories se répartissent de manière égale l’exploitation de la terre.

Les sarcleuses

Dans les Landes de Gascogne, l’organisation traditionnelle des foyers paysans varie en fonction du rapport à la terre et à la propriété. Chez les propriétaires exploitants et les journaliers, le modèle dominant est celui du foyer mononucléaire alors que les métayers vivent majoritairement dans des foyers polynucléaires[11]11Lorsque le noyau familial est constitué d’un couple, auxquels s’ajoutent les enfants, on parle de foyer mononucléaire. Un foyer polynucléaire est une maisonnée qui regroupe grands-parents, … Continue reading. Les journaliers n’étant pas assurés de pouvoir travailler tout le long de l’année sur une parcelle donnée vivent dans une situation précaire. Leur mobilité ne leur permet pas de constituer un foyer nombreux, auquel se joindraient les parents âgés. C’est le contraire pour les métayers, pour qui le rattachement à une parcelle assure une certaine stabilité et dont la capacité de travail des parents proches permet au foyer d’augmenter sa capacité de travail sans avoir recours à des journaliers ou des domestiques. Il est intéressant de noter que les foyers polynucléaires ne regroupent pas nécessairement des générations différentes mais des noyaux sans parenté entre eux. C’est le cas, par exemple, lorsqu’une famille de domestiques agricoles s’agrège à un foyer de petits propriétaires ou, plus rarement, de métayers.


La répartition des tâches domestiques ou agricoles au sein de ces foyers se fait à la fois selon le sexe et l’âge. Les seules données disponibles nous proviennent d’une étude ethnographique réalisée au début des années 1930 auprès de population de métayers-gemmeurs [Lucas-Beyer, 2007] dont nous reparlerons plus longuement dans la suite de l’article. Les résultats de ces travaux sont à prendre avec précaution en raison de la transformation radicale de l’ancienne lande en pinède au cours du XIXe et du XXe siècle, qui a eu pour conséquence l’uniformisation des rapports socio-économiques par le bouleversement du cadre quotidien, depuis le travail jusqu’à l’organisation familiale. Par conséquent, les données présentées par Lucas-Beyer ne sont pas forcément représentatives de l’organisation sociale ayant pu exister dans la société agropastorale antérieure au capitalisme. L’autrice montre que les femmes les plus âgées s’occupent de la cuisine, du ménage et de l’éducation des enfants. Au contraire, les femmes plus jeunes disposant d’une force de travail suffisante, participent activement aux travaux agricoles (fenaisons, fauche des plantes de la lande -soutrage-, semis, etc.), gèrent les jardins potagers, s’occupent des animaux et récoltent de la gemme (résine du pin) dans la pinède. La pluralité des activités de productions effectuées par les femmes a été immortalisée par les clichés photographiques réalisés par Félix Arnaudin au cours du XIX e siècle. Les hommes s’occupent de tâches de manière plus spécialisée : l’un est chargé du gemmage, l’autre du champ, etc. Le rôle de gardien du troupeau est attribué au plus âgé des hommes du foyer.

Les femmes réalisent de nombreuses tâches domestiques ou agricoles
indispensables au fonctionnement du système agro-pastoral landais.

Le groupe domestique des métayers (ou tinel), est un groupe familial polynucléaire pouvant regrouper plusieurs noyaux familiaux sans parenté. Cet ensemble élargi, sous l’autorité du chef de tinel, pouvait réunir jusqu’à une vingtaine d’individus [Dupuy, 1996]. Le chef de tinel fait figure de chef de famille, il décide du moment des récoltes, répartit les tâches agricoles et gère les revenus de la famille. Il est également le seul habilité à représenter le groupe à l’extérieur. Les tâches domestiques, quant à elles, sont régies par la femme la plus âgée (souvent l’épouse ou la mère du chef de tinel) qui occupe alors la fonction de daunel. Cette organisation domestique typique des métayers est également sensiblement la même chez les propriétaires exploitants qui regroupent plusieurs générations sous un même toit.

Le droit à l’héritage (droit de brasse ou de sarcle) dans la société landaise est égalitaire, sans distinction d’âge, ni de sexe. Ce mode d’héritage privilégie l’indivision autant que possible, c’est- à-dire que la propriété peut appartenir à plusieurs personnes. Cela constitue une originalité par rapport aux sociétés voisines (Pyrénées, Gers, etc.)

Une économie rurale d’autosubsistance non capitaliste Malgré les maigres informations à notre disposition, nous avons pu voir dans les paragraphes précédents que la société agro-pastorale landaise au début et au milieu du XIXe siècle reste dans une économie rurale d’autosubsistance typique de l’Ancien Régime français, dont la vocation première n’était pas de produire des marchandises à écouler sur un marché national concurrentiel comme ce qui est la norme au sein du capitalisme agricole moderne. On est ici en présence d’une multitude de micro-exploitations paysannes à l’opposé de l’agriculture capitaliste anglaise contemporaine et de sa logique d’une macro-exploitation avec des méthodes modernes productivistes [Wood, 2009]. De par ces aspects, nous pouvons affirmer que les communautés paysannes agro-pastorales landaises – au même titre que la majorité de la société rurale française de l’époque – ne connaissaient pas la catégorie capitaliste « travail » qui englobe toute dépense énergétique humaine mesurée en temps, quel que soit son contenu (on parle ainsi de travail abstrait)[12]12Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le travail n’est pas une catégorie transhistorique ou ontologique (dans le sens qui aurait toujours existé indépendamment du type de société, … Continue reading.

Comme nous l’avons détaillé plus haut, une grande part de la production alimentaire provient des céréales cultivées sur de modestes par celles agricoles de quelques hectares. Cette production est permise par l’apport de fumier obtenu grâce à la pâture des ovins dans les landes, qui sont des terres gérées en commun. Ces terres communales constituent donc l’élément fondamental de cette société et ne survivront pas à l’essor du capitalisme dans la région. Ceci dit, et malgré la présence de terres communales recouvrant la majorité du territoire, la société landaise est une société de classes, dont les inégalités socio-économiques sont cependant relativement peu importantes entre propriétaires terriens et métayers.

La société agro-pastorale landaise est marquée par une division sexuelle des tâches domestiques et agricoles. Et la division sexuelle des tâches et le rôle prédominant du chef de Tinel montrent que l’organisation sociale des paysans landais est patriarcale. Mais il nous faut préciser que la famille mononucléaire typique du patriarcat capitaliste comprenant une femme assignée au foyer et un homme vendant sa force de travail à des entreprises capitalistes (parfois loin du foyer) n’est
alors pas la norme. Cette organisation familiale ne se généralisera qu’à la fin du XIXe siècle et deviendra la forme exclusive de la famille au XXe siècle seulement. Dans les Landes de Gascogne, elle existe déjà mais elle cohabite avec des foyers polynucléaires, notamment chez les métayers. Tout en étant inégalitaire, ce système est néanmoins différent du patriarcat capitaliste ultérieur qui voit une perte d’autonomie des femmes.

La « forêt » capitaliste : arme de destruction massive du système agro-pastoral landais


La mise sous tutelle des forêts françaises : des ordonnances de Colbert au code forestier


En Europe, avec les Lumières et l’invention du capitalisme, une nouvelle manière de penser et de traiter ce qu’on appellera dès lors la nature – en la séparant de l’humanité – émerge. Dans l’Europe médiévale comme dans de nombreuses autres civilisations non-occidentales, les populations se percevaient parfois comme distinctes de la nature mais tout en en faisant partie quand même. Avec l’essor du capitalisme, cette distinction s’est transformée en dualisme : c’est la grande séparation entre la nature (ou le sauvage) et la société [13]13En réalité, ce qu’on appelle société est réservée à une étroite portion de l’humanité : les femmes, les esclaves africains, les populations indigènes américaines, etc. en sont … Continue reading (ou la culture) [Descola, 2005]. De larges portions de l’humanité, notamment les peuples dits « primitifs », ne possèdent pas de système de représentation du réel, pas d’ensemble de catégories, désigné sous le nom de « nature » et ne conçoivent pas un monde désenchanté dont ils seraient absents et qui obéirait à des lois immanentes indépendantes d’eux. Ainsi, au sein de l’humanité, « c’est bien plutôt l’antonymie culture/nature inhérente à l’imaginaire occidental moderne qui apparaît à la fois comme une singularité anthropologique et comme un paradoxe logique » [Barrillon, 2016].


En Occident, depuis Francis Bacon ou René Descartes, les hommes peuvent croire se rendre « maîtres et possesseurs de la nature ». Ce désir d’assujettissement et de transformation de la société et de la nature va se concrétiser dans le développement de la Science (ou la Technoscience) impulsée par l’État nation moderne [Carnino, 2015 ; Barrillon, 2018]. La nature doit pouvoir être ainsi reconstruite rationnellement, être artificialisée, afin d’en devenir des « maîtres absolus » [Thuillier, 1995]. Il ne s’agit plus seulement d’observer des phénomènes naturels, de les nommer et les comprendre mais de les reproduire au cours d’expériences de laboratoire. À partir de cette époque, les élites tendent à faire de la rationalité scientifique la seule source de connaissances valide : tout ce qui n’est pas démontrable par l’expérience en laboratoire, hors contexte local, est relégué au rang de croyance, de continent obscur, jusqu’à ce qu’un ingénieur parvienne à le reproduire dans des conditions dûment contrôlées et reproductibles. Au cours des derniers siècles en Occident, au nom de la rationalité et de l’objectivité scientifique bourgeoise, le « monde de la vie » a été substitué à un monde froid et abstrait : le « monde de la science », qui sera considéré dès lors comme le « monde réel ». La vision utilitariste, physicaliste[14]14Qui tend à dissocier les éléments d’un corps ou des corps, en postulant que les catégories ontologiques qui nous entourent (corps, tables, pluie) n’existent pas, et que ce qui existe sont … Continue reading , froide et calculatrice d’une nature mathématique et mécanique l’emporte, elle apparaît ainsi comme désenchantée, dédivinisée, démythifiée, dépoétisée, déshumanisée. Alors, pour en devenir les maîtres absolus, une nouvelle idéologie se fait jour : il faut protéger cette nature, extérieure à nous.

Cette idéologie, elle aussi issue des lumières constitue le socle sur lequel le Capital et l’État moderne vont s’appuyer pour justifier les grands programmes de planification et intégrer de force des petites communautés paysannes semi-autonomes à de vastes organisations nationales obéissant à des règles impersonnelles.


Dès 1669, l’ordonnance de Colbert vise à spécialiser les forêts du Royaume dans la production de bois de charpente (essentiellement pour la marine marchande et militaire). Cette ordonnance est une négation de l’idée de la forêt paysanne, en façonnage permanent par les humains. Elle restreint fortement les droits d’usages des paysans et l’accès aux communaux afin d’imposer la discipline et l’aménagement rationnel et scientifique des forêts. Elle confirme aussi le monopole de la noblesse sur la chasse, le braconnage étant désormais lourdement puni. Dans les faits, cette ordonnance est une coquille vide, et les ruraux bravent massivement les interdits, pratiquent l’illégalisme et récupèrent des droits qu’ils estiment indûment abolis tandis que la répression des délits demeure inefficace [Larrère & Nougarède, 1993].


Il faudra attendre 1827 pour qu’un nouveau Code forestier réintégrant les interdictions de l’ordonnance de Colbert soit promulgué. La sylviculture moderne est née. Elle est conçue comme une science autonome et s’appuie sur un corps d’ingénieurs formés à l’École forestière de Nancy créée en 1824. Ces ingénieurs, qui sont chargés de rationaliser la maîtrise sur la nature, ont vu leurs effectifs croître et vont être dotés d’une autorité et d’un pouvoir considérables, donnant ainsi naissance à une véritable « technocratie d’État » [Jarrige, 2016]. La création du droit forestier crée une séparation juridique entre une économie forestière et rurale, et confirme la négation de la forêt paysanne [Michon, 2015]. Ainsi, l’État et ses sbires appartenant à ce prestigieux corps des ingénieurs d’État vont mener une vaste offensive contre les pratiques paysannes – qualifiées de barbares et d’irrationnelles – ainsi qu’à l’encontre de leurs coutumes, de leur manière de vivre et de leur sensibilité s’exprimant à travers une conception de l’espace rural sans limites figées. Ils vont se heurter à une forte résistance paysanne : pétitions, procès, manifestations, incendies se multiplient. Cette révolte va culminer avec la « guerre des Demoiselles » en Ariège entre 1829 et 1832.

Le développement des modes de production capitaliste entre le XVIIIe et le XIXe siècle en France


Souvent confondu avec une simple intensification du commerce, des relations monétaires, de l’accroissement des villes et de la bourgeoisie citadine dans l’Europe médiévale, le capitalisme est un processus spécifique, historiquement situé, violent, en rupture avec l’histoire des sociétés humaines et ne reflétant pas une tendance naturelle de l’espèce humaine à faire des échanges[15]15Si l’on ne considère pas le capitalisme comme un phénomène historiquement situé qui aurait pu ne pas se produire, si on lui donne une place dans une téléologie de l’histoire qui le … Continue reading [Baschet, 2009 ; Campagne, 2017]. Dans cet article, nous favorisons la thèse d’une émergence tardive du
capitalisme en Angleterre au cours du XVIIe siècle par un processus d’expropriation des paysans, dès lors contraints de vendre leur force de travail et de devenir des travailleurs salariés dans l’industrie naissante ou auprès de fermiers capitalistes[16]16On se base ici notamment sur les travaux d’historiennes marxistes comme Ellen Meiksins Wood,Robert Brenner ou bien encore Andreas Malm.. Au milieu du XVIIIe siècle, les physiocrates, favorables à l’importation en France des rapports de productions agraires de l’Angleterre, souhaitent mettre les lois civiles en conformité avec les lois dites « naturelles » afin de perpétuer indéfiniment la domination politique et sociale des propriétaires fonciers. La physiocratie est une doctrine économique et politique qui fonde le développement économique sur l’agriculture et qui prône la liberté du commerce et de l’industrie. Au contraire de la bourgeoisie de 1789 (composée essentiellement de banquiers, marchands, financiers, industriels, médecins, avocats, etc.) remettant en cause le féodalisme, ce courant est majoritairement composé d’administrateurs royaux dont l’objectif est d’opérer une transformation sociale répliquant l’accumulation primitive du capitalisme anglais (enclosures généralisées, abolition des communaux et des droits d’usages, concentration foncière, etc.) dans le but non pas de faire chuter l’Ancien Régime mais de le sauvegarder, de le consolider, de le réformer et de le moderniser, tant du point de vue militaire qu’économique. Les réformes doivent se faire sous la houlette d’un despotisme légal éclairé (en l’absence d’une classe d’aristocrates ou de bourgeois) organisé autour du « droit naturel » que le souverain doit respecter. Malgré plusieurs tentatives de réformes libérales, l’opposition des ordres privilégiés ne permettra pas de mettre en application ce programme de refonte des structures économiques et fiscales de l’Ancien Régime français.

La révolution française marque une rupture avec cette économie d’Ancien Régime et voit l’émergence – au moins juridiquement – du capitalisme français. En effet, au cours des premières années de la révolution française, les multiples réformes libérales (dont la libéralisation du commerce des grains, l’abolition des droits de douane donnant naissance à un embryon de marché national ou bien la suppression des corporations) constituent certes une rupture avec l’économie d’Ancien Régime, mais aussi un semi-échec car le marché agricole français ne se met vraiment en place qu’à partir du milieu du XIXe siècle. Cette lenteur de développement du capitalisme agraire et industriel français s’explique par plusieurs raisons : (i) la paysannerie s’est trouvée en position de force à la sortie de la révolution et elle a empêché la bourgeoisie de mettre la main sur toutes les terres arables (contrairement à la concentration foncière précoce qui a eu lieu en Angleterre), une partie des biens nationaux ont été acquis par des paysans pour subvenir à leurs besoins grandissants, toujours dans une logique d’autosubsistance, tandis que la période révolutionnaire a conforté la propriété collective des communautés riveraines sur les landes et forêts qui leur avaient été allouées. Ces dernières deviennent alors des biens communaux [Miller, 2012] ; (ii) le peu d’intérêt de la bourgeoisie pour l’amélioration des forces productives par des processus coûteux de modernisation permanente des structures économiques ne permettant pas une phase de « compulsion de croissance et de productivité » comme ce fut le cas en Angleterre[17]17On parle de compulsion de croissance lorsque l’ensemble des acteurs sociaux sont forcés d’améliorer la productivité du travail « du fait d’une concurrence généralisée, d’une … Continue reading . Les propriétés confisquées aux ordres privilégiés (noblesse, clergé) ont permis aux propriétaires/notables victorieux de bénéficier de rentes ou de les revendre à des prix usuriers aux paysans, ce qui montre une permanence de la structure mentale et économique de l’Ancien Régime [Grenier, 1996] ; enfin, (iii) un réseau de transport peu développé, que ce soit du point de vue des routes et surtout du chemin de fer, responsable de l’enclavement de nombreux territoires comme les Landes de Gascogne.

Cependant, la situation change dès les années 1840, et une « modernisation de rattrapage »[18]18 La « modernisation de rattrapage » est une version accélérée de l’installation des formes sociales de bases du capitalisme, notamment en réagençant les vieilles structures sociales … Continue reading impulsée autoritairement par l’État s’amorce sous la monarchie de Juillet puis s’accélère sous Napoléon III. Le capitalisme français décolle avec l’extension du réseau de chemin de fer décloisonnant le territoire national et un développement rapide des industries reposant sur l’énergie fossile comme la sidérurgie, le textile ou les mines. Mais surtout, Napoléon III, dans son rôle de « dictateur modernisateur », a préparé un « choc compétitif destiné à initier une compulsion de croissance de l’industrie française : il signe en 1860, contre l’avis d’une majorité d’industriels, un traité de libre-échange avec l’Angleterre, mettant ainsi en concurrence une industrie française encore réticente à une compulsion de modernisation permanente avec une industrie anglaise à son apogée. » [Cam-
pagne, 2017]. À partir de cette date, les derniers obstacles à l’édification d’un marché national français sont levés et le capitalisme français entre dans une phase de croissance forcée sous l’effet d’une concurrence interne comme externe, ce qui produit des effets dévastateurs dans de nombreux secteurs comme l’artisanat ou les proto-industries du Midi et du Languedoc.


On comprend donc que sous couvert de progrès, le développement économique à marche forcée dans les campagnes avait pour but réel de briser le pouvoir social des paysans et de pomper leurs ressources agraires afin d’alimenter la production industrielle, les efforts de l’armée et les besoins de l’État. Il ne s’agit pas d’autre chose en définitive que d’un colonialisme intérieur.

Justification de la colonisation intérieure des Landes


Pour justifier ce colonialisme intérieur, tout un imaginaire géographique et une idéologie territoriale vont être développé par les élites bourgeoises et scientifiques. Selon la définition donnée dans l’article d’Aldhuy publié en 2010, la colonisation correspond d’une part à « une introduction d’une population pour assurer l’exploitation d’un sol » [op.cit. George, 1993] ou d’autre part à la « transformation d’une région attardée ou négligée dans le sens des intérêts humains » (sic) [op.cit. Hardy, 1933] mais elle est surtout accompagnée d’un discours colonial dissymétrique « […] qui assure la mise à distance entre la société colonisatrice et la société colonisée […] », favorisant ainsi la dualité colonisé/colonisateur au profit de ce dernier et intégrant l’imaginaire géographique à des idéologies territoriales. Concernant le premier point de la définition, il a bien existé divers projets loufoques de “mise en valeur agricole” des Landes de Gascogne au cours du XVIII e et XIX e siècle dont la plupart se sont soldés par des échecs. Ces expériences ont consisté à substituer les populations locales présumées faibles en quantité et qualité par des populations étrangères non-nationales plus besogneuses telles que des Maures fuyant l’Espagne, des Canadiens, des Irlandais, des protestants ou même des Allemands destinés au bagne ! [Sargos, 1997]. Ces projets, souvent non réalisés, furent anecdotiques et ponctuels dans le temps et l’espace et n’ont pas fait l’objet d’une généralisation. En revanche, nous allons voir que les deux autres points de la définition du colonialisme répondent parfaitement aux transformations sociales et géographiques opérées dans cette région au cours du XIXe siècle.

Lors des grandes opérations de reboisement des zones dites défavorables (montagnes, landes et marais) mises en place par les services forestiers étatiques dans la seconde moitié du XIX e siècle, les populations paysannes (agriculteurs, éleveurs, pasteurs ou horticulteurs) sont considérées comme des « ennemis permanents des forêts », des « tueurs d’arbres » et présentées comme relevant encore de l’état de barbarie et dotées de mœurs et de comportements repoussants (parmi les qualificatifs utilisés : ignares, alcooliques, paresseux, égoïstes, sans foi ni loi, pervers incendiaires, manquant d’hygiène, etc.). Pourtant, leurs interactions et relations avec le milieu vivant mais aussi leurs pratiques « n’étaient pas irrationnelles et peu destructrices » [Michon, 2015]. Ainsi, de nombreuses régions furent considérées comme arriérées, comme « en retard de la civilisation » (par exemple, Brenne, Bretagne, Champagne pouilleuse, Dombes, Sologne et Landes de Gascogne) en comparaison avec les régions agricoles capitalistes telles que les grandes plaines céréalières du Bassin Parisien. Si ces régions ont eu des histoires semblables d’intégration forcée au territoire national et à l’économie capitaliste, peu d’entre-elles donnèrent naissance à autant d’idées reçues que les Landes de Gascogne. Les habitants de la région sont souvent assimilés à des bêtes sauvages, comme l’évoque Jérôme Lafargue dans son étude de sociologie historique de la région :


« Aussi, les Landes et les Landais, lorsqu’ils pâtirent de représentations peu flatteuses à leur endroit, eurent à subir ces avanies pratiquement du seul fait de cette partie nord maudite, peuplée d’êtres étranges, tantôt juchés sur des échasses dans leur peau de bête, donnant à ces pâtres un air inquiétant, tantôt parcourant la forêt et grimpant aux arbres pour y pousser des cris monstrueux. » [Lafargue, 2001].


En plus d’être peuplées de sauvages non civilisés, les Landes de Gascogne sont considérées comme un désert impropre à produire des denrées agricoles, comme le montre l’extrait suivant issu d’un rapport du contrôleur des contributions de Sabres cité par Jean Cailluyer :


« La classe laborieuse, subissant l’influence d’un climat malsain, cherche dans les boissons alcooliques les moyens de lutter contre les maladies engendrées par les émanations des terrains marécageux […] »
.

À cette époque, l’analogie à un désert improductif est omniprésente, comme nous le dit le vicomte de Métivier en 1839 :

« […] on ne verra plus une étendue immense de terres incultes privées de l’espoir d’être cultivées et demeurer constamment la jouissance exclusive du pâtre landais dont l’avidité insatiable ne trouve jamais assez de parcours [dans] ces déserts qui rappellent pendant l’été le sol brûlant des déserts de l’Afrique »,

de même que l’image extrêmement négative de ses habitants, ici un rapport du préfet des Landes daté de 1858 :

« Si l’année a été bonne, [le landais] se donne un peu plus d’aisance, rebâtit le pan de mur qui s’écroulait, fréquente les foires et le dimanche reste un peu au cabaret jusqu’à ce que la raison l’abandonne ; il ne met rien de côté pour les temps disetteux. Si au contraire l’année est dure, il restreint son ordinaire, déjà si misérable, déteste les assemblées, se renferme chez lui et attend, morne et triste, que les beaux jours reviennent. En général, il ne sait ni lire ni écrire ; il ne comprend pas le français ; il n’a d’autres lieux de réunions que l’église, où il se rend par habitude et l’auberge, où il se rend par goût. Le reste du temps, il erre seul dans la lande ou les pignadas : les étrangers ne viennent pas l’y chercher, qui lui apprendraient à se plaindre, à critiquer les actes d’ungouvernement qu’il ne connaît que par ses bienfaits. » [Cailluyer, 1983].

On comprend mieux ainsi l’usage de ce discours colonial et de cet imaginaire géographique fantasmé qui permettra de désigner ce territoire comme une terra nullius – une terre n’appartenant à personne, sans maître – qu’il faut assainir, défricher, coloniser, civiliser, conquérir et intégrer à la nation pour permettre d’accroître la puissance de l’État, « sans avoir à franchir des frontières et troubler la paix des nations voisines » [Aldhuy, 2010].

En 1790, en pleine période révolutionnaire, Journu Aubert, un membre du directoire de Bordeaux avançait que :

« s’il ne s’agit pas moins de que de rendre la vie à deux cents lieues de terrain, dans un état de mort [et que] c’est là vraiment une conquête digne d’un peuple, qui a renoncé solennellement à celles que l’on n’obtient que par effusion de sang. […] Puisque la plus grande ambition des peuples, et des individus, est constamment d’étendre leurs domaines, pourquoi hésitons-nous à prendre, pour ainsi dire, possession de celui-là, à mettre en valeur une portion même de l’intérieur du royaume ».

L’idée d’un front à coloniser est également présente dans les mots de l’avocat Valery en 1825 qui résume parfaitement cette pensée :

« Si on vous laisse apercevoir le triste et hideux spectacle d’une longue suite de terres nues, sans population, sans abri ni contre la rigueur des hivers, ni contre l’ardeur des étés ; si, dans ces vastes solitudes ne résident çà et là que quelques habitants d’une intelligence tellement bornée qu’ils ne diffèrent des animaux que par la forme ; si l’on vous assure que ces hommes sans droits, sans devoirs, sans temple, sans culte, ignorant même le nom de leur souverain, existent, non à mille lieues du monde civilisé, mais au sein même de la France, près de tous les arts, de toutes les sciences, de tous les perfectionnements, ne verrez-vous pas là une des plus effrayantes contradictions dont puisse gémir l’humanité ? Et ne provoquerez-vous pas un changement qui promette au Trésor un accroissement de revenu considérable, à la nation un grand accroissement de forces, si d’ailleurs ce changement est commandé pour des raisons politiques et morales du plus haut intérêt ? » [Sargos, 1997].

Sous l’influence des lumières et selon le modèle capitaliste anglais, il est admis que les droits d’usages des paysans et les biens communaux étaient nuisibles aux progrès de l’agriculture. Les paysans sont considérés par les élites bourgeoises et les scientifiques comme incapables de valoriser les terres communales qui restent négligées, incultes, à l’image d’un désert. Ainsi, grâce à la loi relative à l’assainissement et à la mise en culture des Landes de Gascogne du 19 juin 1857 (cf. partie ci-dessous), la colonisation prend la forme d’une monoculture de pins maritimes.

À travers cette loi, il n’était pas question de remettre en cause la sacro-sainte propriété privée chère à la bourgeoisie mais de diviser les terres communales – auparavant indivisées – qui seront appropriées à titre individuel par des propriétaires capitalistes, ce qui causera la mort du système agro-pastoral traditionnel.

Pour conclure, le processus d’intégration de la région dans le giron national s’est effectué en deux étapes. Dans un premier temps, la région a été stigmatisée et disqualifiée sur des différences fantasmées par rapport à ce qui est considéré comme la norme nationale. La région est « comme extériorisée tant du point de vue du corps social (la figure du sauvage) que de la totalité territoriale (la figure du désert) » [Aldhuy, 2010]. Puis, une fois que la région a été extériorisée, elle peut faire l’objet d’une « réintégration par convergence forcée vers la norme dominante (tant du point de vue de l’appropriation du sol que de la forme de mise en culture) » [Aldhuy, 2010].

Histoire de la loi relative à l’assainissement et de mise en culture des Landes de Gascogne du 19 juin 1857, sous le Second Empire.

La région connaîtra plusieurs tentatives de développements forcés de nouvelles production agricoles et surtout d’implantation de cultures sylvicoles en raison du besoin boulimique du Capital (appuyé par la soif de conquête territoriale de l’État national) de trouver de nouveaux espaces non capitalistes pour y étendre la production marchande en occupant et en ruinant les sphères non marchandes. Les premières tentatives allant dans ce sens furent à l’initiative des Captaux de Buch[19]19Nom donné aux seigneurs du pays de Buch avant la Révolution. qui entreprirent de fixer des dunes de sables mobiles en semant des pins dans le secteur d’Arcachon dès 1713. Ces expériences furent des échecs, un berger y mettra le feu en raison de l’hostilité des pasteurs de voir des pâturages envahis par des pins. Le projet de réalisation d’un canal reliant le bassin d’Arcachon à l’Adour pour des motifs militaires conduisit un ingénieur des Ponts et Chaussées, Nicolas Brémontier en 1787 à réaliser les premières expérimentations sérieuses de fixation de dunes malgré l’hostilité des populations locales. Ainsi, au XVIIIe siècle, hormis ces expérimentations côtières, les forêts de pins furent cantonnées aux principales vallées landaises ainsi qu’au Pays de Born et de Buch, comme l’illustre bien la Figure 7.

Il faudra attendre la loi du 19 juin 1857 relative à l’assainissement et de mise en culture des Landes de Gascogne pour voir une accélération des projets d’ensemencements de pins dans la région. Cette loi constitue le point de départ de la mise en place de la sylviculture moderne et de la transformation radicale du paysage et de la société landaise. La loi avait pour objectif déclaré d’assainir le territoire en luttant contre les marécages et le paludisme. Mais comme nous l’avons déjà vu, derrière cette volonté d’améliorer les conditions d’hygiènes, les vastes terres communales dites « vacantes » vont progressivement faire l’objet d’une appropriation par des intérêts privés, éradiquant au passage les pratiques agropastorales des populations les habitant. Dans un premier temps, les communes sont obligées d’assainir leurs landes comme le stipule un extrait du texte donné par les rapporteurs du projet de loi :

« L’article 1er pose le principe que les communes devront assainir et planter d’arbres les landes communales soumises au parcours du bétail. C’est là une dérogation au droit qu’ont eu jusqu’à ce jour les communautés de jouir et de disposer des landes qui leur appartiennent comme bon leur semblait (…). »[20]20Extrait tiré de : https://histoiresocialedeslandes.fr/landes_revolution.asp.

Dans un second temps, la loi de 1857 est renforcée par une nouvelle législation en 1860 qui prévoit que lorsque les communes ne peuvent pas procéder à « l’assainissement » des communaux, les travaux seront effectués par l’État qui se remboursera par la vente d’une partie des terrains. Faute de moyens financiers, la plupart des communes sont contraintes de vendre leurs landes à des particuliers. La privatisation des terres communales est désormais acquise. Les principaux bénéficiaires de ce nouveau statut des biens communaux vont être les notables locaux, les grands propriétaires et les petits industriels au détriment de la majorité de la population rurale constituée de métayers ou de petits propriétaires. On assiste ainsi dans les décennies suivantes à des mouvements de concentration foncière au fur et à mesure de l’extension de la forêt. Les grands propriétaires rachètent de plus en plus de parcelles appartenant à des petits propriétaires qui sont asphyxiés par le nouveau système économique. Les petits propriétaires n’ayant pas le capital nécessaire à l’achat de terres, au drainage des zones humides et à la plantation de pins, la plupart d’entre eux sont contraints de quitter la région ou de se reconvertir en gemmeurs-métayers, statut social que nous détaillerons par la suite.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer l’essor de ce système sylvicole sous le second Empire : (i) l’accélération de la dynamique capitaliste en France depuis les années 1840 qui permet le développement de nouvelles techniques industrielles et agricoles mais surtout des transports (avec par exemple, la création d’une ligne de chemin de fer entre Bordeaux et Bayonne à partir de 1852) ; (ii) la réflexion menée depuis plusieurs décennies par les notables landais pour moderniser et renouveler le système socio-économique de la région à leur profit afin d’asseoir leurs position sociale et économique ; (iii) l’idéologie du régime impérial et la volonté personnelle de l’empereur d’aménager et de mettre en valeur les forêts françaises. La région se prête ainsi aux souhaits du régime qui a besoin par propagande de conquérir des espaces abandonnés et « désertiques » pour les ramener à la vie. Ce thème permet à Napoléon III de se présenter à la fois comme conquérant mais aussi comme modernisateur et soucieux des masses rurales qu’il souhaite sortir de la pauvreté et enfin (iv) la convergence entre les intérêts et les besoins du capitalisme agricole français et de l’Empire et de la volonté de modernisation émanant des élites locales. L’État va ainsi aider et encourager la transition d’un système agro-pastoral vers un système sylvicole moderne. Celle-ci s’étale sur une cinquante d’années durant lesquelles cohabitent encore ces deux types d’exploitations.

Les conséquences de la loi de 1857

Les bouleversements liés à l’extension de la monoculture de pins suite aux effets de la loi de 1857 ont eu un impact sur l’industrialisation de la région notamment à travers l’accélération du développement de la sylviculture, du gemmage et de la sidérurgie[21]21Dont l’apparition des premières forges industrielles datant du milieu du XVIIIe siècle.. Autrefois, la récolte de la gemme constituait une activité d’appoint pour la plupart des métayers landais. Avec le recul du système agro-pastoral traditionnel, le gemmage va se généraliser peu à peu dans toute la région et devenir une activité industrielle phare. Après distillation de la résine récoltée, deux composés sont extraits : la colophane et l’essence de térébenthine. Les débouchés de ces produits se situent essentiellement dans l’industrie chimique et la médecine et leurs ventes dans un marché national et international apportent des profits substantiels aux propriétaires landais. De plus, les pins des Landes sont transformées en charbon de bois par les charbonniers (carboèrs en gascon) fournissent le combustible nécessaire à l’alimentation des hauts fourneaux, des forges (harga) et des fonderies. L’industrie sidérurgique landaise repose sur l’exploitation de la garluche[22]22Un minerai exploité comme matière première dans le processus de fabrication de la fonte., massivement présente sur le territoire. Sous l’impulsion des « maîtres de forges[23]23Propriétaires appartenant à la noblesse, possesseurs de terres et de forêts qui fondent la sidérurgie landaise au cours du XVIIIe siècle. Au siècle suivant, une nouvelle génération de … Continue reading », la sidérurgie devient industrielle afin de répondre aux besoins grandissants de l’économie locale et nationale jusqu’à atteindre des pics de production au XIXe siècle. Cette industrie métallurgique produisait des objets de la vie quotidienne, des armes ou des pièces pour les chemins de fer.

La mise en place de ce nouveau système agricole reposant sur l’exploitation de la forêt de pins a pour conséquence de modifier profondément les catégories sociales de la société rurale landaise, leur mode de vie et leur identité. Le statut de métayer-gemmeur se répand très rapidement et devient le seul moyen de vivre pour les petits propriétaires ruinés et les bergers sans travail. Ce système, désormais sylvicole, repose à la fois sur une agriculture vivrière, héritée de l’ancien système agropastoral, et sur une sylviculture industrielle. L’agriculture vivrière, reposant sur le champ et le potager assure une base d’autosubsistance[24]24Cette culture d’un lopin de terrain afin d’assurer une base d’autonomie alimentaire est indispensable à la reproduction de la force de travail des métayers-gemmeurs qui ne tirent pas … Continue reading en échange de redevances en nature et de corvées auprès du propriétaire. Elle est souvent menée par la femme du foyer. Quant à la sylviculture industrielle, elle est orientée uniquement vers la production marchande : la résine mais aussi d’autres travaux effectués en forêt pendant les mois d’hiver (bûcheronnage, entretien des chemins, débroussaillages, etc.). Malgré la prospérité des propriétaires et du commerce de la gemme au cours des années 1860, le mode de vie des métayers-gemmeurs reste très précaire et le travail est extrêmement pénible. La généralisation de la rente en argent[25]25Dès lors, les métayers-gemmeurs bénéficient une part du prix de la vente de la résine lorsque celle-ci est amenée dans les ateliers de transformation. qui remplace le système agricole antérieur durant lequel ils disposaient d’une part de leur récolte pour leur propre consommation ou bien sa commercialisation leur impose un changement majeur. Le montant de la rétribution dépend des fluctuations du marché. Ainsi, le statut des métayer-gemmeurs est problématique : d’une part, ils ne sont ni des ouvriers agricoles salariés car ils ne sont pas payés à la tâche, ne bénéficient pas d’un salaire et sont soumis aux aléas du cours de la gemme ; et d’autre part, ils ne sont pas vraiment métayers car la récolte de la résine n’est pas directement partagée avec le propriétaire foncier. L’ambiguïté de leur statut sera la source d’émergence d’une conscience de classe, de la création d’un syndicat de métayers-gemmeurs et de nombreux conflits sociaux qui secoueront le monde rural landais aux XIXe et XXe siècles (cf. partie ci-dessous).

mpant avec le milieu paysan. En effet, ceux qui habitent encore dans la région vont construire de vastes demeures en pierre aux toits en ardoise, en rupture avec l’architecture locale traditionnelle, et se regrouper dans les bourgs à l’écart des communautés paysannes. Cet éloignement géographique accentue le gouffre entre les deux catégories sociales (grands propriétaires et non propriétaires) et les rapports sociaux vont tendre de plus en plus vers une confrontation rappelant les rapports entre patrons et ouvriers. La distanciation géographique va de pair avec le creusement des inégalités foncières : les nouveaux grands propriétaires terriens possèdent des milliers d’hectares de terres et de nombreuses métairies. Dès lors, un nouvel acteur régional apparaît : le régisseur qui assure une fonction de médiateur entre les métayers et les propriétaires de plus en plus lointains. Le régisseur a essentiellement un rôle de surveillance et de contrôle, il est présent lors du battage des céréales pour vérifier la répartition des sacs de grains, il indique au métayer les parcelles à gemmer et intervient aussi dans le règlement de la part de résine. De par son statut, il est souvent considéré comme un traître par les métayers dont il est souvent issu tandis qu’il fait objet de méfiance de la part des propriétaires le soupçonnant de mal tenir les comptes. De manière générale, cette nouvelle organisation socio-économique ressemble fortement à celles que l’on trouve dans les latifundia[26]26Les latifundia sont des exploitations agricoles pratiquant l’agriculture extensive. Caractéristiques des économies peu développées où la propriété foncière est concentrée, elles … Continue reading

Et les Landes de Gascogne deviennent capitalistes

Les transformations radicales du paysage et le passage au capitalisme agraire et industriel de la région ont eu pour conséquence la disparition progressive des terres communales tandis que le développement des rapports marchands a donné naissance à une nouvelle classe sociale, ni ouvriers, ni paysans : les métayers-gemmeurs. La domination devient de plus en plus impersonnelle, en rupture avec les rapports paternalistes traditionnels. Ceci est matérialisé par la généralisation de la rente en argent évoquée précédemment, qui fonde la place grandissante dans cette société de la médiatisation des rapports sociaux par l’argent. La classe des métayers-gemmeurs s’est construite en opposition avec les grands propriétaires terriens qui ont profité de ces changements pour s’enrichir en vendant la résine produite par les pins à des marchés nationaux et internationaux en expansion.

Le développement du capitalisme au cours de ce XIXe siècle, aura donc dramatiquement dégradé les conditions de vie des bergers, des métayers, des journaliers, des petits propriétaires qui survivent péniblement en devenant des métayers-gemmeurs, en se reconvertissant dans l’industrie sidérurgique landaise florissante ou bien en décidant de quitter la région pour rejoindre les villes. À mesure que l’industrialisation de la région et le système sylvicole progressent, l’exode rural s’accélère et connaît une plus grande ampleur que dans d’autres régions françaises. Par exemple, entre 1866 et 1911, la population des cantons grand-landais baisse de 10%[27]27Chiffres extraits de : https://histoiresocialedeslandes.fr/landes_revolution.asp. Le passage à l’ère industrielle de la sidérurgie et la hausse de productivité qui s’en suit au début du XXe seront très gourmand en force de travail, et de nombreux ruraux, que ce soient des hommes, des femmes ou des enfants, seront exploités dans la sidérurgie à travers un de ses nombreux métiers (mineurs, charbonniers, fondeurs, etc.) afin de réaliser les tâches les plus pénibles. Contrairement aux métayers-gemmeurs, ils et elles disposeront d’un statut social clair, celui d’ouvrier(e)s salarié(e)s. Comme dans les régions minières, le développement de cette industrie va de pair avec l’application d’un modèle social paternaliste reposant sur la religion, le travail et la famille mononucléaire. Le patronat fait construire des quartiers ouvriers pour fixer la population ouvrière qui est dès lors totalement déconnectée de la terre, sans moyen de subsistance et qui ne peut plus compter que sur la vente de sa force de travail pour survivre. Néanmoins, il ne faut pas croire que ce bouleversement radical de la société landaise lors de l’essor du capitalisme dans la région se soit fait sans heurts et résistances…

Les résistances paysanne et ouvrière (XIXe XXe siècle)

Dans la France du XVIIIe siècle, l’émergence du capitalisme, les transformations structurelles de l’État, l’industrialisation croissante[28]28Au nom du mythe du Progrès et d’une vision téléologique de l’histoire des classes dominantes entraînent un bouleversement radical des communautés paysannes avec le développement de rapports marchands, l’anéantissement des communs, la destruction de leur mode vie et l’exode rural qui s’en suit. Dans les villes, on observe au contraire une hausse démographique liée à l’exode rural ainsi que la constitution de la classe ouvrière. Ces changements génèrent de multiples contestations et résistances dont les plus notables ont marqué les corps et les esprits : Révolutions de 1830, 1848 ou bien encore la Commune de 1871. Les campagnes sont aussi agitées et marquées par plusieurs mouvements de protestations voire de révoltes paysannes défensives contre les irruptions de forces extérieures hostiles (représentants de l’État, ingénieurs, agronomes, scientifiques, marchands et autres capitalistes, etc.).

Les révoltes spontanées du XIX e siècle[29]29Les sources proviennent essentiellement de : https://www.histoiresocialedeslandes.fr/landes_modernes.asp

Dans les Landes, la privatisation des communaux qui voit la disparition des zones de parcours de pâture et leur transformation en plantations de pins se heurte à la résistance des bergers qui refusent de voir disparaître cet espace essentiel à l’équilibre de leur système de subsistance. Ils s’y opposent, avec leurs maigres moyens, en incendiant régulièrement au moment de l’écobuage printanier, les futaies naissantes constituées de jeunes semis de pins. Une série d’incendies majeurs notamment dans le Marensin en 1831 en témoigne. Suite à la loi de 1857, les destructions se multiplient et entre 1869 et 1871, ce sont pas moins de 36 000 hectares de forêts qui partent en fumée. Ces incendies sont majoritairement l’œuvre des bergers mais sont aussi déclenchés par des métayers-gemmeurs ou bien des petits propriétaires hostiles au développement de la sylviculture. Ils sont fortement soutenus par la population [Lafargue, 1999]. Cette révolte à la fin des années 1870 coïncide également avec une crise du marché de la gemme qui aggrave les conditions de vie des ruraux. En réaction à cette vague d’incendies retardant la mise en place de la nouvelle sylviculture, le conseil d’État adopte en 1873 un projet de loi liberticide visant à interdire tout usage du feu dans les Landes de Gascogne (pourtant indispensable au renouvellement de la végétation des landes et au mode de vie pastoral !) et à durement réprimer les incendiaires. Sous la pression des communes landaises, du conseil général des Landes et de la Gironde, le projet de loi est finalement abandonné afin de pouvoir « conserver des espaces pour les bergers et faire en sorte que la transition soit plus douce » (sic) [Sargos, 1997]. Au rythme de l’avancée de cette forêt, les bergers disparaissent progressivement en laissant la place aux métayers-gemmeurs, qui, ironiquement, sont souvent d’anciens bergers [Lafargue, 2001].

À côté des incendies volontaires, des révoltes paysannes émergent également en raison de la précarité rurale et de la dégradation des conditions de vie. En 1830, dans le pays de Born, puis en 1836 dans le Marensin, des marches déterminées et des rassemblements de métayers-gemmeurs au sujet des conditions de métayage ont lieu. Les protestataires réclament notamment une meilleure redistribution de la vente des récoltes de gemme. Les élus locaux font appel à la gendarmerie pour arrêter les troubles et des « meneurs » sont emprisonnés. Durant les tumultes de la révolution de 1848, des pasteurs, des laboureurs et des métayers-gemmeurs se mobilisent à nouveau et la vente de la gemme est encore mise sur la table (bien que localement, les troubles semblent revêtir aussi d’une connotation républicaine). Une nouvelle fois, les principaux meneurs sont jugés et emprisonnés.

Après une période de calme relatif, les métayers-gemmeurs se soulèvent par une mobilisation de grande ampleur contre leurs propriétaires au cours de ce qui restera dans la mémoire collective des paysans landais sous le nom de « Révolution de Sabres » durant le mois d’avril 1863. Ce soulèvement fait suite à une nouvelle baisse du partage de la récolte de la gemme dans le cadre des nouveaux contrats de métayage alors que les propriétaires capitalistes s’enrichissent comme jamais avec la hausse constante du cours de la gemme. Des manifestations et des affrontements avec la gendarmerie ont lieu durant deux jours à Sabres et comme d’habitude, une douzaine de condamnations à des peines de prison sont prononcées au tribunal de Mont de Marsan en mai 1863 avant que les condamnés ne soient graciés par Napoléon III. Grâce à ce rapport de force, les propriétaires forestiers reculent et renoncent à ce nouveau contrat de métayage. Cette « révolution » est le point culminant des révoltes populaires dans la région et voit l’émergence d’une prise de conscience générale, d’un sentiment d’appartenance à un même groupe social : celui des métayers-gemmeurs. Francis Dupuy (1996) le résume dans ses termes :

« Ces flambées de colère, spontanées et encore inorganisées, constituent l’amorce d’une expression collective de revendications sociales, le début d’une prise de conscience chez les métayers du fait qu’il leur faut tenter de régler en commun des problèmes relatifs à une condition qui leur est commune ; elles constituent enfin de leur part autant de premières tentatives pour rompre le lien de dépendance qui les attachait aux propriétaires ».

En lisant ces lignes, nous pouvons être étonnés de l’absence de luttes à la hauteur du préjudice et de la violence subie par les paysans. Comment se fait-il qu’il n’y ait pas eu de soulèvement généralisé en réaction à la destruction de leur mode de vie alors que le contexte du XIXe siècle est pourtant favorable à l’agitation populaire, comme ont pu la connaître d’autres régions françaises avec la guerre des demoiselles en Ariège (1829-1832), la révolte des Canuts (année 1830) ou l’insurrection paysanne de 1851 dans la Drôme ? Francis Dupuy l’explique par le paternalisme :

« … en plaçant ses acteurs dans le modèle des relations familiales, le paternalisme a cette faculté d’anesthésier toute velléité de rébellion et toute tentative d’organisation collective contre une situation de domination » [op. cit. Lafargue, 1999].

Ainsi, la vie rurale serait contrôlée par les notables et les propriétaires locaux qui disposent de divers moyens de pression sur les paysans[30]30Ceci se reflète notamment par les votes largement en faveur de Napoléon III en 1848, 1851 et 1852..

L’institutionnalisation des luttes sociales de la fin du XIXe siècle au

début du XXe siècle

À la transition entre le XIX e et le XX e siècle, la protestation se coordonne et s’institutionnalise autour de syndicats composés essentiellement de métayers-gemmeurs. Les syndicats adoptent les pratiques de mobilisations « classiques » de la classe ouvrière : grèves, manifestations, négociations d’organes représentatifs avec les représentants de l’autorité gouvernementale ou patronale, etc. Au début du XXe siècle, c’est dans l’une des régions littorales déjà sujette à des révoltes le siècle passé, le Marensin, que l’essor du syndicalisme est le plus important et dans laquelle les premiers conflits syndicaux d’ampleur démarrent avec plusieurs vagues de grèves entre 1906 et 1907. Ces grèves se déroulent à la même période que d’autres troubles agraires secouant la France rurale comme la révolte des viticulteurs du midi à Narbonne et Perpignan. Ce conflit social concerne le salaire pour les gemmeurs (qui n’évolue pas malgré des cours de la gemme à la hausse) mais aussi les revendications traditionnelles pour l’amélioration des conditions de métayage (les redevances en nature et les corvées dues aux propriétaires terriens existent toujours en ce début de XXe siècle). Au cours de ce vaste mouvement, les métayers-gemmeurs quittent leurs espaces ruraux pour occuper les bourgs et les villes au cours de manifestations drapeau rouge en tête. Ils provoquent des grèves générales parfois sur plusieurs jours, accompagnées de blocages de routes. Les grèves syndicales débouchent parfois sur des affrontements intenses avec les forces de répression comme par exemple à Beylongue où les propriétaires sont menacés de mort et retenus prisonniers chez eux, tandis que les gemmeurs brisent les pots destinés à la récolte, ou aussi à Saint-Eula-lie-en-Born où un guet-apens est tendu aux gendarmes[31]31Voir : https://histoiresocialedeslandes.fr/p2_mouvement_paysan_03.asp. Suite à ces conflits de 1906-1907, les salaires des gemmeurs augmentent jusqu’à 30% mais cette maigre augmentation n’est pas suffisante pour leur garantir de vivre dans de meilleures conditions et les sortir de la misère.

Suite à la boucherie de la première guerre mondiale, les mouvements paysans et ouvriers s’entremêlent, les premiers bénéficiant du savoir-faire organisationnel des seconds, tandis que les paysans distribuent des produits alimentaires aux ouvriers des forges en grève dans les années 1920-1930. En 1920, l’agitation paysanne impulsée par des envoyés de la C.G.T gagne le Bas-Adour. Ce conflit est majoritairement l’œuvre de métayers pauvres totalement dépendants de leurs propriétaires qui exigent comme toujours le meilleur partage de la récolte (un tiers pour le propriétaire au lieu de la moitié) et la suppression des redevances en nature et des corvées. Les syndicats s’unissent dans la Fédération des syndicats des Métayers du Bas-Adour (affiliée à la C.G.T.) et décrètent la grève générale le 17 février 1920, suite à l’absence de réponse des propriétaires à leurs revendications. Une grande manifestation (pourtant interdite) réunit plus de 7 000 personnes, les routes sont barrées, les marchés sont boycottés, tandis que les métayers refusent de payer leurs redevances et de partager la récolte de maïs avec les propriétaires. Le mouvement est d’une ampleur importante, c’est la première fois que des métayers sans statut de salariés font grève au risque d’être renvoyés. Suite à une longue mobilisation, le 11 mars 1920, les accords de Dax sont signés. Ces accords définissent les nouvelles conditions de métayage et donnent partiellement satisfaction aux métayers. Malgré un accroissement du nombre de syndicalisés, le mouvement de 1920 s’essouffle et se solde par un échec. Les propriétaires refusent d’appliquer les accords et la répression commence alors : les principaux meneurs syndicalistes sont expulsés de leurs lieux de travail tandis que la troupe, avec notamment des tirailleurs sénégalais, intervient.

Dans le contexte de la crise mondiale du capitalisme des années 1930, le chômage et la misère touchent durement les métayers-gemmeurs landais. À l’appel de plusieurs syndicats, la manifestation du 18 mars 1934 à Mont-de-Marsan réuni 15 000 personnes provenant de toute l’Aquitaine. Les mots d’ordres sont les suivants : augmentation du prix de la gemme (dont les cours sur le marché sont en chute libre) via des indemnisations venant de l’État pour compenser la perte de revenu et la vieille revendication d’une meilleure répartition des récoltes au profit des métayers, aux deux tiers et non plus à la moitié. C’est donc désormais au gouvernent que sont adressées les revendications et non plus directement aux propriétaires capitalistes. L’État est vu naïvement comme une entité pouvant interférer dans le rapport conflictuel métayers-gemmeurs/propriétaires en faveur des premiers. Face à la non-satisfaction de leurs revendications, une grève générale débute dans plusieurs localités de la région entre les mois de mars et mai 1934. La grève est rude et de nombreux affrontements entre grévistes et non-grévistes ont lieu, les grévistes brisant souvent les pots de récolte des non-grévistes. La mobilisation reprend l’année suivante et débouche à nouveau sur une grande manifestation, à Bordeaux cette fois-ci, qui réunit 12 000 métayers-gemmeurs. Suite à ces deux années de contestations, le gouvernement cède et une loi qui assure une augmentation du prix de la gemme grâce à une prime à l’exportation est votée le 5 juillet 1935. Un organisme dans lequel les gemmeurs sont représentés est créé pour fixer la hauteur des primes[32]32https://www.histoiresocialedeslandes.fr/p4_lutte.asp.

Après cette « victoire », le mouvement paysan achève son unification. Les trois principales organisations syndicales de la région fusionnent dans la Fédération des métayers et gemmeurs du Sud-Ouest. Elle se dote d’un mensuel, Le gemmeur, et les effectifs de syndiqués s’accroissent rapidement. Cette nouvelle organisation syndicale est rapidement mise à contribution au cours de la grande grève des métayers-gemmeurs de 1937 qui arrive un an après les grandes mobilisations ouvrières de 1936. La Fédération entre dans la lutte pour l’obtention d’un statut légal du métayer-gemmeur qui garantirait une reconnaissance du statut de salarié à la tâche, le bénéfice d’assurances sociales et les allocations familiales ainsi qu’un salaire minimum à travers un prix minimum de la barrique de gemme. Cette liste soumise au Syndicat corporatif forestier (regroupant les propriétaires capitalistes) fait l’objet d’un refus catégorique par ce dernier. Une grève générale est proclamée et suivie durant un mois par plus de 30 000 grévistes. Les propriétaires sont ainsi contraints d’accepter le dialogue et accordent une modification mineure du statut de métayer et des congés payés. Suite à cela, les métayers-gemmeurs reprennent le travail.

Le déclin et la fin du gemmage au milieu du XXe siècle

À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, les difficultés économiques se cumulent à la dégradation du massif forestier lors des grands incendies de 1939-1949 liés à un manque d’entretien des sous-bois. Dans le même temps, les lobbys industriels du papier essayent de convaincre les capitalistes forestiers locaux de se reconvertir dans la production ligneuse. À la fin des années 1950, l’introduction d’une nouvelle technique de gemmage dite du « gemmage activée » et la reconversion de nombreux propriétaires de la production de la gemme vers la production de bois provoque une diminution drastique du besoin de main d’œuvre pour la récolte de la gemme. Les métayers-gemmeurs se sentant de plus en plus exclus de la modernisation agricole s’exilent vers les villes, attirés par le salariat et l’espoir de conditions de vie meilleures. Malgré ce contexte de déclin du gemmage, les syndicats mènent quelques luttes défensives toujours désormais adressées non plus directement aux propriétaires des moyens de production mais aux pouvoirs publics. Le déclin du gemmage s’étale sur plusieurs années. Avec le recul de l’activité résinière, l’exode rural provoque la décomposition des syndicats. Néanmoins, les métayers-gemmeurs continuent de se battre et obtiennent après mai 68 le statut de salariés. Le gemmage disparaît dans la décennie suivante. L’économie résinière qui avait progressivement supplanté le système agro-pastoral est remplacée par une économie forestière industrielle combinée au développement des activités touristiques littorales qui prennent de plus en plus d’importance.

Conclusion : de la forêt de pins et ses lagunes vers la forêt de panneaux solaires et ses « surfs parks » ?

À travers cette histoire sociale et environnementale des Landes de Gascogne, nous avons pu voir que contrairement à l’imaginaire négatif largement construit par les élites scientifiques et bourgeoises des Landes de Gascogne comme un espace marginal, inhospitalier, peuplé de sauvages et caricaturé sous le terme de « désert landais », celui-ci a été densément peuplé dès la fin du Néolithique et a abrité pendant des siècles, voire des millénaires, une société agro-pastorale bien développée. Le discours présentant la région comme terra nullius a permis de justifier sa colonisation et l’exploitation des autochtones et des ressources naturelles. Présenté comme rationnel et scientifique, l’aménagement des landes en une pinède artificielle sur l’ensemble des terres communales disponibles est un processus centralisé et autoritaire qui s’est déroulé dans un laps de temps relativement court (quelques décennies) et a entraîné la destruction de la société agro-pastorale landaise, une économie d’autosubsistance héritée de savoirs ancestraux liés à des expériences pratiques et à un vécu du territoire. Les populations, leur mode et leur environnement de vie ont été sacrifiés au nom du Progrès et remplacés par une ingénierie forestière confiée aux experts, qui sont, selon les capitalistes, les plus à mêmes de gérer les ressources naturelles. Comme le dit Geneviève Michon :

« Dénigrer les cultures locales, occulter les pratiques positives sur l’arbre, effacer la forêt des agriculteurs [nda : pour les Landes, on peut remplacer par agriculteurs, pasteurs, forêts et landes] par des cartes permet de justifier une reprise en main de l’écosystème forestier par des spécialistes : forestiers, écologues, et experts de l’environnement deviennent les seuls aptes à comprendre et gérer la forêt pour le plus grand bien des États. ».

Cette véritable colonisation intérieure a pour but de satisfaire les besoins croissants en marchandises du capitalisme français naissant et de l’État nation moderne en formation.

L’extension de la forêt de pins détestée par les populations locales a déclenché des conflits menés par le prolétariat paysan qui se sont déroulés en deux phases : une première que l’on pourrait qualifier, peut-être de manière abusive, d’« »insurrectionnelle » visant directement les propriétaires et étant caractérisée par des actes de sabotage (incendies de forêts), des révoltes spontanées et inorganisées et culminant avec la « révolution de Sabres » de 1863. Une seconde, qui correspond à une phase dite « institutionnelle », et qui se manifeste par la naissance d’une conscience de classe et surtout par le regroupement syndical des paysans pauvres (petits exploitants, métayers, métayers-gemmeurs ou bien journaliers) dont les objectifs oscillent entre l’obtention d’une réforme (répartition de la part de récolte ou indemnisations plus élevées) ou une suppression du statut dégradant et misérable de métayer-gemmeur (pour le remplacer par celui d’ouvrier salarié). En somme, si l’on compare les deux mouvements, le premier, en s’en prenant aux moyens de production et directement au patronat était un peu plus révolutionnaire que le suivant mais aucune de ces luttes, que ce soit contre l’extension de la forêt ou autour du statut de métayers-gemmeurs, ne fut victorieuse.

Au travers de cette histoire, nous avons tenté de montrer que jusqu’à des périodes récentes de notre histoire, il n’était pas nécessaire d’aller en Amazonie ou sur d’autres continents pour découvrir des sociétés non capitalistes et non étatiques dont les historiens ignoraient jusque-là l’existence. Plusieurs régions rurales françaises situées à la marge de l’État naissant étaient dans ce cas-là, comme l’illustre bien la société agro-pastorale landaise. Au-delà des pratiques agricoles de cette économie d’autosubsistance qui nous sont aujourd’hui assez bien connues, la transmission orale de ces mythes et rituels entourant cette gestion paysanne des terres a définitivement disparu des mémoires locales[33]33Néanmoins, il existe de nombreuses traces écrites des contes et légendes des Landes de Gascogne publiées dans de nombreux ouvrages (par exemple, Baldé, 1886 ou Arnaudin, 1887. Cette absence de transmission aux générations postérieures s’explique par la disparition rapide de ces paysan(ne)s qui formaient des petites communautés ignorant l’écriture et se basant uniquement sur une culture orale. Nous avons proposé ce « détour par le passé », pour emprunter une expression de Jérôme Baschet, pour essayer de « penser le futur » et montrer que ni l’État, ni le capitalisme, ni ses catégories de bases fétichisées (argent, valeur, marchandise et travail) ne sont des organisations sociales transhistoriques – valables à toutes périodes de l’histoire – ou « naturelles ». Ces structures de domination et d’exploitation ont été imposées par la force et sont forcément dépassables. Au passage, précisons qu’il n’est aucunement question ici d’idéaliser les sociétés pré-capitalistes qui sont d’une part traversées par diverses dominations personnelles (masculine bien sûr, mais aussi celles des aîné(e)s, de l’organisation familiale, le poids de la religion ou des notables locaux, etc.) mais aussi d’autre part par une forme d’exploitation avec les figures du métayer ou du journalier. Malgré tout, la société agro-pastorale landaise comme la plupart des sociétés pré-capitalistes nous montre une « extraordinaire richesse des savoirs empiriques concrets mobilisés par les paysans pour associer harmonieusement leurs pratiques culturales aux processus naturels » [Michon, 2015] qui repose sur des connaissances pointues et spécifiques qui sont largement plus écologiques que nos pratiques actuelles. Ces sociétés ont également une conception du monde, une ontologie – c’est-à-dire un rapport entre les humains et la nature – radicalement différente de celle de la civilisation occidentale qui est marquée par une séparation nette entre nature et culture [Descola, 2005].

De nos jours, l’offensive contre le vivant continue, au nom du développement durable, de la croissance verte ou plus simplement de l’innovation pour la recherche de profit. L’État, le Capital et la Science, main dans la main, cherchent de nouvelles sources de profit et les énergies dites « renouvelables » constituent un nouvel eldorado. Comme le bois ne rapporte plus et que les papeteries sont délocalisées, un nouvel aménagement du territoire des Landes de Gascogne d’une ampleur inégalée depuis la reforestation est en marche, comme l’illustre depuis ces dernières années le développement exponentiel des centrales solaires qui sont imposées en remplacement de la pinède. La Gironde abrite déjà à Cestas la plus grande centrale solaire d’Europe d’une surface de 260 hectares, inaugurée en 2015, mais ce n’est rien par rapport au projet démentiel « Horizeo » à Saucats qui la détrônera de sa glorieuse première place. En effet, le site Reporterre révèle que cette centrale solaire photovoltaïque a prévu de s’étendre sur 1 000 hectares (de forêt à défricher) et que son coût avoisinera la modique somme d’un miliard d’euros[34]34https://reporterre.net/Dans-les-Landes-pour-faire-du-solaire-on-detruit-les-forets. Il s’agit d’une reconfiguration du capitalisme qui donne un nouveau rôle à la région en lui promettant de devenir une grande exportatrice d’énergies « vertes » à destination des métropoles. Mais les habitants ne sont pas oubliés : ils connaîtront peut-être la joie d’avoir un nouvel emploi attractif et d’accueillir des centaines de milliers de touristes attendus chaque année dans un des « surf parks » en projet sur la côte atlantique comme ceux de Saint-Jean de Luz ou de Castets[35]35Voir le site du collectif de lutte local, nommé Noutous : http://www.noutous.fr/. Face à cette nouvelle phase d’industrialisation : Comment passer de la résistance à la révolution ? Que faut-il détruire et dans quel but ? Que pourrait-être une société libérée du travail et de l’économie ? Quels systèmes productifs ajustés aux contraintes de leur milieux de vie et visant à satisfaire les besoins humains devons-nous mettre en place ? Comment recréer des rapports sociaux établissant la liberté et l’égalité des conditions pour les femmes, pour les hommes qui ne soient pas dictés par les valeurs du capitalisme ? Comment fonder des communes sur la coopération, l’entraide, tout en respectant l’autonomie individuelle ? Quels autres modes de relations avec la nature et avec le reste du vivant voulons-nous nouer ? Peut-on s’inspirer du passé mais aussi du présent, des sociétés pré-capitalistes, des rares peuples indigènes résistant encore au mode de vie capitaliste et qui ont toujours fait preuve d’une grande inventivité technique pour s’adapter à leur environnement ? Quelles leçons tirer des diverses expérimentations libertaires et de leurs écrasements respectifs par la contre-révolution (ex : Aragon 1936-1938, Ukraine 1917-1921, Italie 1977) ? Autant de questions et des tentatives de réponses[36]36Récemment, le collectif (« Mur par Mur ») a essayé d’apporter des éléments de réponses à ces questions dans un ouvrage intitulé « Pour un anarchisme Révolutionnaire ». : nous pensons qu’il ne s’agit plus de défendre d’hypothétiques emplois tant mis en avant par les partisans d’un « Green New Deal », ni de défendre obstinément les forêts industrielles (comme la pinède landaise) comme s’il s’agissait de forêts primaires mais d’imposer un véritable rapport de force pour reconquérir notre autonomie, nous réapproprier le temps et l’espace, et en quelques mots, faire vivre le communisme libertaire. Il faut libérer la société de l’économie, il faut se libérer du travail, de la tyrannie de la marchandise en s’inspirant – sans les exempter d’analyses critiques – des connaissances, des savoirs empiriques des sociétés pré-capitalistes ou des sociétés indigènes qui ont su résister pendant quelques temps aux normes de la modernisation et du Progrès. Malgré leur destruction, il faut raviver ces souvenirs en nous emparant de ces histoires trop longtemps oubliées pour imaginer un après à la société capitaliste, un après qui ne sera libre que si l’on en finit définitivement avec le capitalisme, ses catégories de bases (travail, argent, valeur, marchandises), l’État et la Science.

Auguste

References

References
1 1Malgré quelques soubresauts au début du XXe siècle, comme les révoltes des vignerons du Midi en 1907 et de Champagne en 1911.
2 2La faible densité de fouilles archéologiques semblait expliquer le peu de sites trouvés. Or, au cours de la dernière décennie, suite à la construction d’autoroutes, de centres commerciaux et d’autres infrastructures, des prospections menées par des organismes d’archéologie préventive (mandatés pour intervenir avant tout travail d’aménagement du territoire) ont mis au jour une quantité infime de sites dans les Landes de Gascogne.
3 3Une zone refuge est un lieu où diverses espèces végétales et animales ont pu survivre durant les périodes glaciaires en bénéficiant d’un micro-climat local plus chaud. Les zones côtières, les vallées encaissées, les falaises de moyenne montagne bien exposées à l’ensoleillement sont souvent considérées comme des refuges glaciaires privilégiés.
4 4Héliophiles : espèces végétales qui apprécient l’exposition au soleil.
5 5Présents bien évidemment dans le silva et le saltus mais aussi dans l’ager sous la forme d’arbres isolés dans les champs et forêts linéaires (haies) cultivées pour la production dematériaux divers.
6 6Les boisilleurs sont des spécialistes du bûcheronnage, de la fabrication du charbon de bois, de la collecte des écorces, sèves ou résines dont le savoir-faire se transmettait héréditairement. Les « gens du bois » sont souvent pauvres, « sans terre », menant la plupart du temps une existence de nomade. Ils forment leur propre communauté, avec ses rites, ses rituels d’initiation et vivent à l’écart des villages. Loin du regard des autres, ils échappent au contrôle social et sont souvent stigmatisés par les villageois [Larrère & Nougarède, 1993].
7 7Il est important de préciser que les possesseurs de terre ne sont pas les seuls propriétaires terriens : le clergé et les bourgeois en possèdent aussi, de même que les laboureurs (riches paysans). Les sols les plus pauvres (landes, marais, certains bois ou prés) sont souvent des biens communaux rétrocédés par le seigneur aux habitants.
8 8La futaie correspond à des bois dont les arbres issus de semences doivent atteindre leur pleine croissance afin d’être exploités.
9 9La plupart des informations développées dans cette partie et la suivante proviennent de ce site très complet sur l’histoire sociale des Landes [https://histoiresocialedeslandes.fr/]
10 10Voir le résumé de cette enquête ayant eu lieu dans divers cantons sous la forme d’un graphique : https://histoiresocialedeslandes.fr/p1_invention_win03.asp
11 11Lorsque le noyau familial est constitué d’un couple, auxquels s’ajoutent les enfants, on parle de foyer mononucléaire. Un foyer polynucléaire est une maisonnée qui regroupe grands-parents, parents et enfants.
12 12Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le travail n’est pas une catégorie transhistorique ou ontologique (dans le sens qui aurait toujours existé indépendamment du type de société, faisant partie de la « nature humaine ») mais bien d’une catégorie historiquement située dans le temps : pour être plus clair, le travail est une invention capitaliste qui a pour but de créer de la valeur par la production de marchandises et se double d’un caractère social par la médiation totale qu’il exerce via l’argent. Cette catégorie est donc seulement associée aux sociétés capitalistes. Pour plus de précision sur la critique du travail, le lecteur ou la lectrice est invité(e) à consulter le blog Palim Psao [http://www.palim-psao.fr/], les éditions Crises et critiques [https://www.editions-crise-et-critique.fr/] réunissant divers auteurs du courant de la critique de la valeur-dissociation mais aussi cette bande dessinée que l’on trouve vachement bien foutue : https://copindesbois.fr/fiches/ne-travaillez-plus-jamais/
13 13En réalité, ce qu’on appelle société est réservée à une étroite portion de l’humanité : les femmes, les esclaves africains, les populations indigènes américaines, etc. en sont exclues…Elles sont versées dans la catégorie « nature », en dehors de l’humanité. Dans la vision occidentale, seul le mâle bourgeois blanc occidental est considéré comme un sujet, tout le reste lui étant inférieur (et soumis).
14 14Qui tend à dissocier les éléments d’un corps ou des corps, en postulant que les catégories ontologiques qui nous entourent (corps, tables, pluie) n’existent pas, et que ce qui existe sont les particules et les échanges énergétiques (non observables…).
15 15Si l’on ne considère pas le capitalisme comme un phénomène historiquement situé qui aurait pu ne pas se produire, si on lui donne une place dans une téléologie de l’histoire qui le voudrait inéluctable, alors on en fait un phénomène difficilement dépassable.
16 16On se base ici notamment sur les travaux d’historiennes marxistes comme Ellen Meiksins Wood,Robert Brenner ou bien encore Andreas Malm.
17 17On parle de compulsion de croissance lorsque l’ensemble des acteurs sociaux sont forcés d’améliorer la productivité du travail « du fait d’une concurrence généralisée, d’une rationalisation technique, d’une amélioration des techniques agricoles, de nouvelles vagues d’enclosures, etc., mais surtout d’une élimination impitoyable des fermier(e)s et des paysan(ne)s incapables d’être suffisamment rentables pour payer leurs rentes. » [Campagne, 2017]
18 18 La « modernisation de rattrapage » est une version accélérée de l’installation des formes sociales de bases du capitalisme, notamment en réagençant les vieilles structures sociales pré-capitalistes, pour y imposer la socialisation des individus par le travail comme -quasi seule- activité socialement médiatisante (on retrouve là la notion de travail abstrait). Il faut donc combler le retard dans la socialisation capitaliste moderne (ici, on parle de« retard » en comparaison avec l’Angleterre) en mettant en forme les nouveaux rapports sociaux fétichistes. Cette définition est tirée de http://www.pa-lim-psao.fr/article-article-modernisation-de-rattrapage-capitalisme-d-etat-socialisme-reellement-existant-u-r-s-s-107919219.html .
19 19Nom donné aux seigneurs du pays de Buch avant la Révolution.
20 20Extrait tiré de : https://histoiresocialedeslandes.fr/landes_revolution.asp
21 21Dont l’apparition des premières forges industrielles datant du milieu du XVIIIe siècle.
22 22Un minerai exploité comme matière première dans le processus de fabrication de la fonte.
23 23Propriétaires appartenant à la noblesse, possesseurs de terres et de forêts qui fondent la sidérurgie landaise au cours du XVIIIe siècle. Au siècle suivant, une nouvelle génération de bourgeois entrepreneurs les remplace et dirige des établissements industriels métallurgiques. Un modèle social hiérarchique et paternaliste axé autour du travail, de la famille et de la région est mis en place. Ils lancent aussi diverses œuvres sociales (logements, écoles, caisses de secours, etc.) pour stabiliser ce modèle social.
24 24Cette culture d’un lopin de terrain afin d’assurer une base d’autonomie alimentaire est indispensable à la reproduction de la force de travail des métayers-gemmeurs qui ne tirent pas suffisamment de revenus de leur activité pour pourvoir aux besoins de leur famille.
25 25Dès lors, les métayers-gemmeurs bénéficient une part du prix de la vente de la résine lorsque celle-ci est amenée dans les ateliers de transformation.
26 26Les latifundia sont des exploitations agricoles pratiquant l’agriculture extensive. Caractéristiques des économies peu développées où la propriété foncière est concentrée, elles nécessitent généralement l’emploi de journaliers ou de métayers. Ce sont des organisations typiques de l’Amérique latine, de l’Andalousie et de sud de l’Italie.
27 27Chiffres extraits de : https://histoiresocialedeslandes.fr/landes_revolution.asp
28 28Au nom du mythe du Progrès et d’une vision téléologique de l’histoire des classes dominantes
29 29Les sources proviennent essentiellement de : https://www.histoiresocialedeslandes.fr/landes_modernes.asp
30 30Ceci se reflète notamment par les votes largement en faveur de Napoléon III en 1848, 1851 et 1852.
31 31Voir : https://histoiresocialedeslandes.fr/p2_mouvement_paysan_03.asp
32 32https://www.histoiresocialedeslandes.fr/p4_lutte.asp
33 33Néanmoins, il existe de nombreuses traces écrites des contes et légendes des Landes de Gascogne publiées dans de nombreux ouvrages (par exemple, Baldé, 1886 ou Arnaudin, 1887
34 34https://reporterre.net/Dans-les-Landes-pour-faire-du-solaire-on-detruit-les-forets
35 35Voir le site du collectif de lutte local, nommé Noutous : http://www.noutous.fr/
36 36Récemment, le collectif (« Mur par Mur ») a essayé d’apporter des éléments de réponses à ces questions dans un ouvrage intitulé « Pour un anarchisme Révolutionnaire ».