Image de couverture : photographie de Francesca Woodman

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« J’ai grandi. Je me regarde dans la glace du salon. J’ai froid. Je ne sais plus comment faire pour croire à leurs belles histoires de petites graines, de chèvre et de chou, d’amour et d’argent, de silence et d’or, leurs histoires d’enfant qui pousse dans les cœurs et qui grandit comme ça, comme une fleur dans un pot, à la fenêtre d’une cuisine. Un jour j’ai regardé ces deux vieux qui s’aigrissent, mes papas GPA, ces deux gris qui ne veulent pas voir qu’ils vieillissent. Je les ai vus comme ceux qui m’ont acheté au marché, comme un bout de vie, un bout de viande, un bras de mère. » (Olivier Manceron, page 296)

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Ventres à louer, une critique féministe de la GPA, édité aux éditions L’échappée, est un essai coordonné par Ana-Luana Stoica-Deram et Marie-Josèphe Devillers. Ce sont vingt-quatre autrices de différents pays et de différentes disciplines qui partagent leurs analyses sur la reproduction artificielle et démontrent, sans aucune ambiguïté, pourquoi ces nouvelles techniques de procréation sont inhumaines et doivent être abolies.

La Gestation Pour Autrui, ou GPA, est une technique de reproduction qui consiste à amener une femme qui ne souhaite pas devenir mère à porter et à donner la vie à un être humain à la demande d’autres personnes. L’enfant né d’une GPA est séparé, dès la naissance, de sa mère biologique et transféré, contre de l’argent, à des commanditaires.

C’est à partir des années 1970 que la pratique de la GPA se développe. En 1976, une femme accouche pour la première fois à la demande d’une autre femme. Ce premier échange se fait sans contrepartie. En 1980, commence la GPA commerciale. Une première femme, Elizabeth Kane, accepte d’être payée pour donner la vie à un enfant afin de le remettre à ses commanditaires. Dès cette date, des féministes dénoncent les conséquences désastreuses de la procréation marchande pour toutes les femmes, tous les enfants et l’avenir de l’humain en général (voir la bibliographie sommaire à la fin de cette note).

Pour bien comprendre les enjeux et les impacts de la pratique de la GPA, il faut, comme pour toute technique, s’inquiéter de qui fait quoi, pour qui, comment, pourquoi et nommer de manière à rendre compte de la réalité de chaque acte.

La GPA est possible parce que la pauvreté oblige les femmes à devoir louer leur ventre. Les mères porteuses ont un besoin désespéré d’argent, pour nourrir les enfants, payer les factures, survivre. La motivation des femmes qui acceptent de porter un enfant, d’accoucher au risque de leur vie pour le vendre, est toujours économique. C’est bien pour cela que ce ne sont jamais des femmes riches qui se proposent pour des femmes pauvres et stériles.

Les parents de substitution sont des commanditaires, des client.es. Ils sont des femmes stériles, des hommes gays, des lesbiennes, des célébrités d’Hollywood, de la télévision et de la musique. La plupart d’entre eux veulent des bébés aux gènes soigneusement sélectionnés afin de constituer la famille parfaite. Tous ne peuvent ou ne veulent pas concevoir eux-mêmes l’enfant mais désirent une descendance génétiquement apparentée.

Cette appropriation du corps des femmes les plus pauvres s’inscrit dans une tradition patriarcale et capitaliste :

« Certains progressistes, dont des féministes, considèrent la maternité comme une fonction animale qu’il vaut mieux laisser aux classes inférieures, tout comme les femmes de la classe supérieure confiaient autrefois leurs nouveaux-nés à une nourrice. Certaines lesbiennes féministes semblent s’identifier à la situation de leurs frères homosexuels et non aux femmes bien qu’elles bénéficient de leurs droits. Qu’elles soient socialistes ou capitalistes, leur compassion est étonnamment réservée aux hommes auxquels elles s’identifient plutôt qu’aux femmes. » (page 78)

La GPA fragmente la maternité et brise le lien mère-enfant.

Le processus procréatif est morcelé entre la donneuse d’ovocyte, la mère porteuse, les parents commanditaires et les différents organismes intermédiaires. Pour répondre au désir d’enfant(s) de ceux qui ont les moyens de payer, deux femmes sont exploitées : la donneuse d’ovocytes et celle qui va porter l’enfant.

Pour obtenir les ovocytes, il faut administrer une forte dose d’hormones ce qui implique une hyperstimulation ovarienne. L’hyperstimulation ovarienne peut entraîner de nombreuses maladies, des cancers incurables du sein et des ovaires et la mort.

La mère porteuse, quant à elle, subit des traitements hormonaux et de nombreux examens médicaux et gynécologiques. Le corps de la femme est tout entier engagé, pendant neuf mois, dans la croissance du fœtus. Elles supportent quarante semaines de complications médicales et psychologiques (diabète gestationnel, hypertension artérielle, placenta praevia ou pré-éclampsie…). La plupart du temps, elles accouchent par césarienne, une opération chirurgicale lourde. Les grossesses pour autrui sont plus dangereuses qu’une grossesse naturelle. Certaines sont mortes, d’autres ont vu leur fertilité et leur santé irrémédiablement atteintes. Elizabeth Kane, première mère porteuse commerciale, a publié, en 1988, Birth Mother où elle explique les conséquences négatives de cette expérience. Tout comme elle, de nombreuses mères porteuses souffrent de dépression chronique et de problèmes de santé.

Comparer le don de sperme au don d’ovocytes et à la grossesse est une dangereuse négation de la réalité biologique et de la violence qui se cache sous la procréation artificielle.

La GPA nie l’importance du lien qui se crée, dès les débuts de la gestation, entre le fœtus et la mère. Un échange de cellules biodirectionnel, nommé microchimérisme, participe au développement du lien affectif entre la mère et l’enfant. La brutale séparation du nouveau-né d’avec la mère, la femme qui lui donne la vie, est grandement préjudiciable à son développement ultérieur. L’enfant devient l’objet d’une négociation contractuelle qui l’exclut de fait de la sphère humaine. Le mal-être psychologique des enfants adoptés et plus particulièrement des enfants séparés très tôt de leur mère est important. Les enfants nés de cette façon, dans les années 1980, expriment leur colère et se sentent dévalués.

La maternité de substitution ne respecte pas les besoins fondamentaux des nouveaux-nés qui sont arrachés à leur mère gestationnelle.

La GPA profite des inégalités économiques et sociales pour mettre sur le marché le corps des femmes. Elle est incompatible avec les droits humains fondamentaux.

Les parents commanditaires, de classe privilégiée et souvent blancs, commandent des ovocytes auprès de femmes blanches et démunis des pays de l’Est. Les embryons sont ensuite implantés dans le ventre de femmes de pays à faibles revenus comme le Laos, Malaisie, Nigeria, Kenya, Afrique du Sud.

Entre les parents commanditaires et la mère porteuse, des intermédiaires en quête d’utérus à louer profitent de ce nouveau marché en pleine expansion. Des entreprises spécialisées dans la recherche d’utérus à louer ne cessent de fleurir ces dernières années. Ce sont plus de huit millions de cliniques de fertilité qui travaillent pour se faire connaître des potentiels acheteurs. Le chiffre d’affaires des services liés à la maternité de substitution dans le monde entier devrait augmenter de 24 % d’ici 2025.

« Les catalogues de donneuses d’ovules, les agences, les cliniques de fertilité, de nombreux intermédiaires impliqués dans l’industrie de la procréation assistée sont déjà là. » (page 92)

La GPA commerciale implique la signature d’un contrat entre les commanditaires et la future mère. Les contrats privilégient toujours les parents commanditaires, les client.es. La mère porteuse n’a quasi aucun droit jusqu’à la fin de la transaction :

« … des parents commanditaires exigent de ‘‘leurs’’ porteuses qu’elles ne soient pas vaccinées contre le covid et qu’elles s’engagent à ne pas l’être pendant leur grossesse ; dans le cas contraire, elles risqueraient d’être contraintes à avorter. » (page 128)

Les contrats précisent les actes auxquels les femmes doivent se soumettre : nombre d’embryons inséminés, sélection, condition de résiliation du contrat, avortement, modalités et date d’accouchement. Toutes ces décisions sont prises par les commanditaires qui sont protégés par le contrat et leurs avocats. La mère n’a d’autre issue que de leur donner satisfaction. Certains contrats présentent des clauses qui contraignent la mère biologique à renoncer à ses droits fondamentaux tels que de disposer de son corps et d’interrompre la grossesse.

Dans la grande majorité des cas, les femmes ne sont pas informées des risques, tels que la mortalité maternelle qu’impliquent les grossesses induites par la prise d’hormones. Dans le cas contraire, « … le contrat stipule clairement que la femme est informée du risque de mourir pendant la grossesse ou des suites de l’accouchement et qu’elle consent à ce que, dans le cas où cela se produirait, ses ayants droits ne réclament rien de plus que le paiement initialement prévu. » (p. 12)

De nombreux problèmes de santé, suite à l’hyperstimulation et aux interventions obstétricales qui en découlent, sont bien documentés. L’insémination de plusieurs embryons, les avortements sélectifs in utero dont la décision relève des commanditaires, mettent en danger la mère, nie son implication psychologique dans le processus de la grossesse. Les naissances prématurées sont un phénomène courant et le décès des enfants est plus important que lors d’une grossesse naturelle.

Les mères porteuses ont des règles strictes à respecter jusqu’à la fin de la transaction, des « maisons de substitution » existent pour les surveiller :

« … les avortements sélectifs in utero, le maintien des mères porteuses en appartement, la sur-surveillance de leurs activités, la surmédicalisation des grossesses causent de graves traumatismes physiques et mentaux aux mères porteuses. » (page 104)

En cas de mort de la mère porteuse, il est facile de la rendre seule responsable en affirmant qu’elle n’a pas respecté les règles. Dans de nombreux contrats il est spécifié qu’il n’y aura aucun dommage et intérêt pour la famille de la mère porteuse décédée.

La GPA est un héritage de l’esclavage : critères de sélection, régime alimentaire imposé, interdiction des relations sexuelles, réclusion pendant la phase finale de la grossesse, interdiction de voyager sans autorisation, transfert dans d’autres pays pour accoucher.

Contrairement à l’adoption, dans le cas de la GPA seule la mère porteuse est contrôlée. Il n’y a aucun contrôle des commanditaires. Il suffit de payer pour obtenir l’enfant. En Ukraine, un pédiatre espagnol a commandé, à BioTex-Com, un bébé qui lui a été remis sans hésitation et ce malgré le fait qu’il « purgeait une peine de prison en Suède pour possession de matériel pédopornographique, viols et abus sexuels sur plus de cinquante enfants. » (page 129).

Les droits humains stipulent qu’aucun être humain ne doit disposer du corps d’un autre être humain. C’est pourtant ce qu’il se passe quand les commanditaires et les intermédiaires, corps médical compris, contrôlent le corps de la mère porteuse.

« Consentir par contrat à subir des violences, voire à perdre la vie, pour faire le bonheur d’autres personnes est cependant loin d’être une manifestation de la liberté… » (page 11)

Les droits humains stipulent aussi qu’aucun être humain ne peut être échangé contre de l’argent. Pourtant, l’enfant est acheté par les commanditaires.

Tout être humain a le droit de connaître ses origines, mais dans le cas de la GPA :

« Seul l’acheteur, pourvoyeur de sperme, dispose d’un droit juridiquement opposable en raison du lien génétique avec le nouveau-né. » (76)

La mère porteuse est effacée dès la naissance. Ne pas connaître ses origines génère beaucoup de souffrance chez les enfants adoptés ou issus de la GPA.

Le morcellement de la maternité, l’arrachement du nouveau-né à sa mère dès la naissance (qui est pourtant fortement déconseillé pour les animaux d’élevage) est une négation de la réalité biologique de la grossesse.

La grossesse de substitution n’est pas un acte altruiste mais un sacrifice. Pourtant, les médias la présentent toujours comme un acte généreux pour encourager l’achat et la vente des enfants. Faire appelle à la générosité des femmes, au don de soi de la mère, valoriser la reproduction maintiennent les stéréotypes de sexe de type patriarcal.

Affirmer qu’elle est une pratique médicale est un mensonge. La GPA ne soigne pas l’infertilité mais exige le sacrifice des mères, sacrifice de l’enfant qu’elles mettent au monde pour le remettre aux commanditaires.

L’industrie lucrative de la fertilité génère également une division internationale dans le commerce de la procréation et une spécialisation des diverses régions du monde pour maximiser les profits. Bien que cette pratique, suite à de nombreux scandales, soient limitée ou interdite en Inde, au Népal, en Thaïlande et au Mexique, elle est en pleine expansion au Canada, notamment en Ontario et dans certains États américains.

Un processus de sélection sociale et biologique des mères et des enfants à naître intensifient aussi le contrôle patriarcal sur la vie des femmes qui sont réduites à leurs utérus et à leurs ovocytes.

La reproduction humaine est un enjeu central du contrôle patriarcal du vivant qui vise à s’assurer des capacités reproductives des femmes au bénéfice des hommes. Elle s’inscrit dans la longue tradition patriarcale qui valorise la descendance et veut s’assurer le contrôle de la reproduction :

« … de la dynastie Ming (1368 – 1644) à la dynastie Qing (1644 – 1911), un homme pouvait ‘’louer’’ la femme d’un autre afin qu’elle donne naissance à un enfant. » (page 115)

Cette pratique était régie par un contrat écrit et était considérée comme un moyen de gagner sa vie pour les couches sociales les plus pauvres. C’est une manière de s’approprier le corps des femmes au profit des hommes, promouvoir la liberté des hommes et étendre leur droit d’être parent.

Prostitution et GPA, deux violences patriarcales à l’encontre des femmes et des enfants.

La GPA est, comme la prostitution, la location d’une fille ou d’une femme en vue d’abuser de certaines de ses parties. La femme est alors réduite à une bouche, un anus, un vagin, ou à un utérus, des ovocytes. Pour supporter la violence de la réification, les femmes n’ont d’autre choix que de se dissocier de leur corps. L’individu dissocié se distancie du monde, ne s’y engage plus que pour y vendre des parties séparées de lui-même.

Il n’y a aucune émancipation ni liberté pour les femmes dans la GPA. C’est pourquoi il faut l’abolir.

La légalisation de la GPA entraîne inévitablement une hausse de la demande, du tourisme procréatif et de la traite humaine à des fins procréatives. Comme pour la prostitution, les candidates seront toujours moins nombreuses que les client.es. Si les femmes et les enfants deviennent des sources de profits, il n’y a aucune raison pour que les proxénètes de la procréation se privent de ce marché. Toute femme en âge de procréer pourra être recrutée. Aux Pays-Bas et au Royaume-Uni des entreprises ont recours à la publicité et proposent une rétribution plus importante pour attirer les femmes. Les groupes d’intérêts organisent déjà des « foires à bébés » qui font déjà la promotion de la GPA, et ce même dans les pays où elle est interdite comme en Allemagne. Au Québec, une entreprise de recrutement comme Canadian Fertility Consulting a doublé ses effectifs en un an.

La traite humaine en vue de répondre à la demande existe déjà :

« Dans les pays d’Asie, des trafics de mères porteuses ont été enregistrés entre l’Inde, le Népal, le Vietnam, la Thaïlande ou encore le Cambodge. En Birmanie, le gouverneur de Rangoon a dénoncé, fin 2018, la vente de femmes birmanes en Chine comme mères porteuses et comme prostituées. » (page 33)

Le tourisme procréatif permet à des commanditaires de contourner la loi de leur pays. Ils achètent des enfants dans un pays étranger et demandent, une fois de retour, à être reconnus légalement comme parents d’enfants nés de mère porteuse. Ces autorisations individuelles au cas par cas peu à peu se généralisent jusqu’à lever toutes les restrictions et ouvrir la voie aux pratiques commerciales.

C’est ainsi qu’en Grèce, les restrictions ont été levées en 2014, le résultat ne s’est pas fait attendre :

« La particularité de la Grèce est qu’elle est le seul pays d’Europe et l’un des rares pays au monde où la mère porteuse n’a aucun droit sur l’enfant. Les parents d’intention deviennent les parents légaux dès la conception de l’enfant et il n’est nulle mention de la mère porteuse que ce soit à l’hôpital ou sur le certificat de naissance. Un avantage supplémentaire pour les Européens est que, en raison du traité de Schengen, ils peuvent voyager librement chez eux dès la naissance du bébé et traiter des questions de citoyenneté devant les tribunaux locaux, au lieu de postuler auprès de leur ambassade en Grèce. » (p. 31)

C’est à la suite de nombreuses situations intolérables que les pays ouverts à la GPA en ont finalement limité l’accès. La Thaïlande et l’Inde ont ainsi imposé des restrictions suite à une augmentation du trafic d’enfants. Certaines cliniques indiennes se sont alors déplacées au Népal qui acceptait la pratique aux conditions que la mère biologique ne soit pas népalaise. La GPA étant une source de devises intéressante pour le pays, des femmes inséminées en Inde pouvaient accoucher au Népal. En 2015, en Thaïlande, un couple de commanditaires a abandonné un bébé atteint de trisomie 21 et est parti avec la sœur jumelle. Un japonais a engendré une douzaine de bébés en recourant à différentes mères porteuses. En Ukraine et en Géorgie, des bébés nés dans des maternités de substitution ont été bloqués en raison des mesures sanitaires de confinement.

Eugénisme et invisibilisation des femmes.

Les embryons sont souvent congelés et testés pour effectuer un diagnostic prénatal (DPN) des maladies génétiques. Les acheteurs de bébés veulent s’assurer que l’enfant commandé est de la meilleure qualité. Il s’agit bel et bien d’eugénisme. « Les entrepreneurs des CRISPR (« Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats », en français : « courtes répétitions en palindromes regroupés et régulièrement espacées ») entrevoient déjà la possibilité de gagner plus d’argent en insérant un jour […] un génome ‘‘supérieur’’ dans ces embryons grâce à leur technique prometteuse de modification rapide des gènes. » (page 51)

Un narcissisme génétique, la loyauté envers ses ancêtres, la quête de la perfection génétique qui a remplacé la pureté raciale, l’hétérosexualisation des gays, la stérilité ne sont pas des raisons pour exploiter le corps des femmes. Un désir d’enfant n’est pas un droit.

Pour rendre acceptable la réduction de la femme à l’état de reproductrice et la vente de l’enfant, il faut le dissocier de sa mère biologique. Le meilleur moyen est de déshumaniser la mère, invisibiliser la réalité biologique de la femme. C’est ainsi que nous voyons depuis quelques années une agression systématique des femmes qui osent rappeler cette réalité.

La GPA s’inscrit dans le projet plus global du patriarcat :

« Le rêve d’or du patriarcat : séparer complètement le concept de maternité du processus biologique de la grossesse et de l’accouchement, qui est la seule chose que les hommes ne peuvent pas mener à terme. » (page 216)

En Serbie, depuis 2019 on ne parle plus de « mère » et de « maternité » mais de donneuse de naissance. En 2021, le projet de loi légalisant la « maternité de substitution » à New York remplace la mère par « porteuse gestationnelle » ou « personne qui a donné naissance ». La femme est réduite à une fonction de « substitut », elle est un réceptacle, une « porteuse » ou une « tierce reproductrice ».

Dans les faits, la GPA est un marché lucratif qui profite de la pauvreté des femmes pour commercialiser leurs fonctions reproductives : l’utérus devient une pièce détachée faisant partie d’une chaîne de production et les ovocytes un simple don de matériel humain. L’enfant est retiré à sa mère dès la naissance et échangé contre de l’argent, il est réduit à l’état de marchandise et ses besoins fondamentaux ne sont pas respectés. La GPA est donc une négation du droit et de la dignité des femmes et des enfants.

Un désir d’enfant n’est pas un droit, d’autant quand sa réalisation implique l’exploitation d’autres êtres vivants. Mais le marché ne s’inquiète pas de morale. Sous couvert d’altruisme et de libre choix certain.es sont prêts à accepter la marchandisation du corps des femmes et celle des enfants.

Aussi, depuis 2020, de nombreux pays cherchent à réglementer la GPA : Uruguay, Colombie, Mexique, Argentine, Equateur, Cuba, Finlande, Chine. L’État de New York est déterminé à légaliser la GPA commerciale pour satisfaire les client.es dans un contexte où de nombreux pays l’interdisent. « Les étrangers ne sont plus autorisés à engager une mère porteuse en Inde, dans certaines régions du Mexique, en Thaïlande et dans la plupart des pays européens. Des mesures visant à réprimer la traite humaine liée à la GPA ont aussi été prises aux Philippines et au Cambodge. » (page 73)

Pour abolir cette nouvelle forme d’exploitation patriarcale et capitaliste 300 organisations féministes et de défense des droits humains, 3 000 personnes de 65 pays, ont soutenu la convention internationale féministe rédigée par la CIAMS (Coalition pour l’Abolition de la Maternité de Substitution) qui a été fondée par les coordinatrices de l’essai.

Ana Minski

Corrections et relecture : Lola

Bibliographie sommaire :

1985 : Gena Corea, The Mother Machine: Reproductive Technologies from Artificial Insemination to Artificial Wombs, HarperCollins.

1987 : « De la parenté à l’eugénisme », Les cahiers du GRIF (Groupe de Recherche et d’Information Féministe de Bruxuelles),

1988 : Elizabeth Kane, Birth Mother: The Story of America’s First Legal Surrogate Mother.

1990 : Jacques Testart dir., Le magasin des enfants, Gallimard.

1994 : Janice Raymond, Women as Wombs, Spinifex Press.

2013 : Sylviane Agacinski, Le corps en miettes, Flammarion.

2013 : Kajsa Ekis Ekman, L’être et la marchandise – Prostitution, maternité de substitution et dissociation de soi, M Éditeur.